Voici au-moins un film qui m'aura laissé dubitatif, perplexe !
D'un côté, j'aime bien être surpris (j'ai regardé "à l'aveugle") et là, j'ai été gâté ! Dès le début, on dirait qu'on a affaire un "Tati"...
Aucun dialogue,un générique aux violons déjà pleurnichards : ouf, ce sera le seul moment.
Quant au scénario, c'est une adaptation de "la nouvelle histoire de Mouchette" de Georges Bernanos... Pas ma tasse de thé non plus.
On voit les gens vivre (ce qu'aimait filmer Robert Bresson, 1901-1999) : une observation modeste de la vie)
On ne sait pas trop pourquoi la petite héroïne s'appelle Mouchette, pas plus qu'on n'apprendra dans quel village l'action se situe. J'étais à des lieues de penser à un film de 1967 car on dirait un film d'avant-guerre... Seules les voitures comme la Renault 8, et le manège d'auto-tamponneuses m'ont permis de dater vaguement l'époque des faits... Mais quelle importance sur le fond ?
Ensuite, on ne sait trop où veut nous emmener Bresson... Mais on chemine aux côtés de cette ado (en fait, elle avait 19 ans) qui n'a pas de chance : elle est mal née et son avenir semblle déjà bouché... Née dans un milieu alcoolo, avec une mère malade, un bébé à s'occuper, un père contrebandier et d'une dureté incroyable avec sa fille...Et elle est témoin d'un crime. Mais le pire reste à venir !
Evidemment, Mouchette n'a pas de chance dans la vie mais elle ne se plaint pas : elle s'est habituée à ête détestée et elle se venge en se comportant parfois méchamment... Même quand on lui veut du bien.
Toute l'analyse psychologique sent les relents d'égoûts : tout est aussi noir que l'avenir de Mouchette avec quelques embellies comme ces petits boulots lui ayant permis de glâner les quelques sous qu'elle a dû rétrocéder en partie à son père, mais qui lui permet de savourer les joies de la fête foraine, rire (ce sera les seuls moments un peu joyeux de la fille dans ce récit) de sympathiser visuellement de loin avec un garçon pour lequel elle a un petit béguin... Mais son père l'espionne et la punit avec violence de ce léger écart pourtant inabouti...
Cette aventure est évidemment tournée en noir et blanc, nage dans la tuerie (comme ce tir aux lapins, ces collets) et nous trempe en permanence dans une ambiance sordide, glauque... Mouchette n'a aucune perspective réjouissante dans la vie et doit subir, affronter non seulement la misère, mais aussi le regard des autres.
Regarder un film comme ça en début de journée est susceptible de vous foutre le bourdon pour le reste de celle-ci !
Ca m'a fait penser à la "Cosette" des "Misérables" de Le Chanois, dont le personnage va heureusement mieux évoluer...
Ce n'est pas gai, gai, et Bresson ne devait pas être un joyeux luron mais on n'en sait pas grand-chose, et je n'ai jamais vu de téléfilm biographique sur lui... Faiblesse de la production ? 13 films de 1934 à 1983 : le tableau de chasse n'est pas très lourd...
Je ne me souviens même plus du "Journal d'un curé de campagne" qui est son meilleur trophée cinématographique...
Epris de religion, dit-on de Bresson, un drôle de paroissien quand même ! Le mec ne voulait aucun acteur issu du théâtre ni du cinéma. Il voulait pouvoir les faire jouer vierges de tout antécédent pour dit-on, les modeler à sa guise...
En fait et tout au-moins sur ce tournage, il les tyrannisait : la jeune Mouchette s'appelle "pour de vrai" Nadine Nortier, n'a jamais vu un plateau de tournage, et on ne la reverra jamais plus sur un écran ! Aurait-elle été écoeurée à vie par la brutalité de Bresson ?
De l'aveu de sa mère fictive du film (Marie Cardinal) se plaignant elle-aussi de la tyrannie du "maître", la scène où Mouchette se prend une paire de baffes a dû être recommencée 12 fois !
Ca rend tout de suite ce film moins sympathique mais Bresson n'était pas le seul à vampiriser son casting... Certains argumentent même que c'était pour aider les acteurs à être "dans le ton", plus réels dans leur jeu...
Quant à la fin, elle est déconcertante un peu comme tout le reste de ce conte de fées à l'envers...
Tout ça est bien complexe à apprécier : la vie réelle présente-t-elle un intérêt cinématographique ?
Excellent sujet de thèse, non ?
Neurasthéniques et dépressifs s'abstenir... Attention : France 3 pratique volontiers les rediffusions !


France 3 le 26.03.2022

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le 29 mars 2022

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