Monika est l'histoire d'une utopie que Bergman nous raconte en trois parties formellement distinctes. Echappant à la ville et à des labeurs fatigants et peu valorisants ou plus généralement à la pauvreté (la première partie tournée dans une vision naturaliste classique du genre), Monika et Harry s'échappent sur un petit bateau pour vivre sur une île. La deuxième partie voit Bergman changer de style et de faire de cette escapade une description du paradis terrestre : les deux tourtereaux vivent désormais d'amour et fraiche et voient leur amour s'épanouir dans un retour idéalisé à la nature. Le cinéaste suédois caresse littéralement les corps et arrivent à rendre perceptible le soleil, le vent sur les visages des amoureux. Bergman trouve la voie d'une pureté formelle faite de beauté et de simplicité.
Mais le paradis est ainsi fait qu'il ne peut pas durer...avec l'arrivée de l'automne, l'état primitif se transforme en état sauvage avec la nécessité d'aller voler de la nourriture (l'incroyable image de Monika dévorant à pleine main un énorme rôti), de trouver de quoi se vêtir ...et à la fin, de retourner à la civilisation, avec toutes ses contraintes et ses tentations.
La troisième partie pourrait être une redite de la première : une vie difficile à Stockholm. Mais l'issue n'est pas la même : à la rencontre, s'est maintenant substituée la séparation et les contingences matérielles de la ville ont fait ressortir le caractère capricieux et puéril de Monika (après tout, elle n'a que 17ans). Et surtout, Bergman a stylisé entre temps sa mise en scène, comme le prouve ces deux regards sur fond noir qui se répondent : celui de Monika qui semble nous dire : "et alors, suis-je vraiment la responsable de l'échec du couple" ; celui d'Harry qui, par des surimpressions de l'époque bénie du paradis terrestre, se demande "comment a-t-on pu en arriver là"?
L'utopie n'aura duré qu'un été. Mais quel été !

Créée

le 20 sept. 2017

Critique lue 252 fois

1 j'aime

denizor

Écrit par

Critique lue 252 fois

1

D'autres avis sur Monika

Monika
Morrinson
8

L'art du regard

Monika (aussi appelé Un été avec Monika ou encore Monika et le désir) est un de ces films qui valent le détour au moins pour une de leurs scènes. Le regard mélancolique de Harriet Andersson, qui...

le 28 févr. 2015

55 j'aime

15

Monika
Grimault_
10

« Alors vraiment, avec le temps... on n'aime plus »

Point culminant, tant stylistique que thématique, de la première partie de carrière d’Ingmar Bergman, Monika est un incontournable des romances estivales au cinéma. Aussi idyllique que...

le 29 août 2019

34 j'aime

8

Monika
Enolan
8

Jeunesse innocente, jeunesse inconsciente.

(spoiler alert) Viens on s'aime. Viens on s'en va, loin de tout, rien que nous deux, vivons une vie sans attache, sans pression extérieur, vivons la vie comme nous l'avons tant rêvée. Prenons ce...

le 11 févr. 2022

17 j'aime

30

Du même critique

Oiseaux-Tempête
denizor
8

Critique de Oiseaux-Tempête par denizor

Le monde appartient aux ambitieux et Oiseaux-Tempête ne nous propose pas un simple voyage post-rock mais une véritable Odyssée dans une musique qui n’a pas encore livré tous ses secrets. Album après...

le 10 janv. 2014

13 j'aime

Pain Is Beauty
denizor
8

Critique de Pain Is Beauty par denizor

Il est amusant de voir la promo de Chelsea Wolfe ramer pour définir la musique de la demoiselle : « drone-metal-art-folk » tel est le genre-valise utilisé pour catégoriser la musique de l’Américaine...

le 28 oct. 2013

12 j'aime

After My Death
denizor
7

Psyché adolescente et autopsie d'une société

Samaria ou Poetry, le cinéma sud-coréen est hanté par les suicidées adolescentes. Nouvelle pierre à cet édifice mortifère, voici After my death, premier film de Kim Ui-Seok. Glaçant. Kyung-min, une...

le 19 nov. 2018

11 j'aime