François Ozon, réalisateur prolixe (un film par an depuis plus de 20 ans dans des genres très différents), nous propose ici à nouveau l'adaptation libre d'une pièce de théâtre de boulevard, comme dans 8 femmes (2001) et dans Potiche (2010), toujours dans un mélange d'humour et de kitsch, et dressant avec habileté des portraits de femmes... Plutôt que kitsch dans ce nouvel opus, François Ozon nous plonge dans le Paris des années 1935, avec costumes travaillés, situations parfaitement rendues et personnages hauts en couleur !

Le scénario est bien ficelé, mené tambour battant, avec beaucoup de gags et de situations burlesques, n'hésitant pas à tourner certains personnages en dérision, utilisant tous les ressorts du théâtre de boulevard; on sent que François Ozon et ses acteurs ont pris un grand plaisir à tourner cette comédie policière, et qu'ils savent le communiquer au spectateur.

La mise en scène est cependant très (trop ?) proche de la pièce de théâtre; si ce n'est les nombreux rejeux de la scène de crime pour examiner les différentes hypothèses, et quelques très rares scènes dans Paris, tout le reste trouverait sa place facilement sur les planches d'un théâtre.

L'intrigue, dont on ne saurait dévoiler les développements pour préserver l'intérêt des multiples rebondissements, est articulée autour de deux jeunes femmes amies vivant sous le même toit, Madeleine Verdier une actrice jolie sans talent, à la recherche d'un rôle, et Pauline Mauléon, avocate sans le sou mais non sans génie. Elles sont confrontées à un monde d'hommes fort peu recommandables, certains à l'allure de vieux "cochons", ainsi qu'à une ancienne actrice du muet en mal de reconversion !

Accusée du meurtre d’un célèbre producteur aux mains balladeuses, Madeleine Verdier est ainsi aidée par Pauline Mauléon qui la fait acquitter pour légitime défense dans un procès retentissant; c'est l'occasion pour François Ozon d'aborder la condition féminine et d'ébranler le pouvoir des hommes, non sans écho à notre époque post #MeToo, mais sans militantisme affiché.

La nouvelle vie qui s'en suit pour Madeleine et Pauline, embrassant la gloire et le succès, va susciter pas mal d'envies de personnes voulant profiter de la situation pour servir leurs desseins petits et grands, d'autant que la vérité n'est sans doute pas celle qu'on croit !!

Au service du film, François Ozon a réuni un casting de choix; pour ne souligner que les rôles principaux :

- Les jeunes actrices très demandées, Nadia Tereszkiewicz dans le rôle de Madeleine (vue avec brio dans Les Amandiers de Valeria Bruni Tedeschi en 2022) et Rebecca Marder dans le rôle de Pauline(actrice de cinéma ET de théâtre, vue dans Simone - Le voyage du siècle d'Olivier Dahan en 2022 et bientôt dans De Grandes Espérances de Sylvain Desclous); Rebecca est beaucoup plus à l'aise et percutante que Nadia qui semble toujours en retrait et pas dans le rythme dans Mon Crime, sans doute l'habitude des codes du théâtre à l'avantage de Rebecca ?

- Fabrice Luchini, excellent dans le rôle du juge d'instruction accusateur et manipulateur Gustave Rabusset, cherchant à faire progresser sa carrière avec ce crime;

- Isabelle Huppert, d'une énergie folle dans le rôle de l'ancienne actrice du muet Odette Chaumette et qui va profiter de la situation pour se repositionner dans le métier;

- Dany Boon, l'entrepreneur Palmarède toujours prêt à rendre service, à l'accent marseillais très réussi, belle performance pour un Ch'ti;

- André Dussolier, le président calculateur des Pneus Bonnard, et qui cherche à sauver son entreprise par une alliance d'avenir.

Dans cette comédie jubilatoire et sans temps mort, chacun va profiter du Crime pour assouvir ses propres ambitions; la conclusion réunissant Madeleine Verdier et Odette Chaumette est originale, et il ne faut pas rater le générique de fin qui offre de belles et drôles surprises, caricaturant les comportements plutôt amoraux des différents personnages...

A voir pour un bon moment de détente et de rire, avec la qualité du made in Ozon !!

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le 14 mars 2023

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Azur-Uno

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