Sur le papier, le projet peut sembler séduisant : un écrivain improductif et dépressif, privé de réelle inspiration depuis un premier et de plus en plus ancien succès, s’en prend à sa femme et à leurs trois enfants, qu’il ne supporte plus, en leur imposant la présence d’un chien errant, laid et repoussant, qu’il décide de baptiser « Stupide ». Cette adaptation d’un roman féroce de l’Américain John Fante réunit l’adorable couple Yvan Attal - Charlotte Gainsbourg, le mari occupant le double poste d’acteur et de réalisateur. Effet de mise en abîme garanti, que ce soit dans l’adéquation à ce qui est connu du couple ou dans le décalage. Pour renforcer le jeu de miroir, leur fils, Ben Attal, qui tournait déjà dans le second volet de ce qui apparaît désormais comme une trilogie, « Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants » (2004), incarne ici aussi l’un des enfants du couple. L’humour, également, semble présent au principe même de la démarche ; il ne manquait d’ailleurs pas à son premier volet, « Ma femme est une actrice » (2001)...


Quelle déception, donc, dès les premières passes d’armes, les échanges semblant d’emblée plombés par une telle lourdeur que l’on décide de ne pas y croire et d’attendre, confiant, que le film démarre enfin, que les dialogues s’allègent et que l’humour fuse... Une voix off protocolaire s’installe, lestant bien l’affaire. On guette les prochaines apparitions de Charlotte, certains que le charme va opérer, comme si souvent. Mais non. Elle surgit, raide et presque maladroite, donnant la réplique à un mari qui semble aussi empoté qu’elle. Impression de mauvaises scènes d’un théâtre mal écrit. On tente encore de se rassurer, mais la vaillance commence à fondre : allez, c’est normal, à force de jouer le désenchantement, il est naturel que l’ensemble manque de légèreté...


Les premières blagues surviennent, d’une grossièreté consternante. Elles se répètent, on s’enlise, le film avec nous, et on en devient presque gêné pour notre duo gagnant... Ah bon ? Ils pataugent vraiment dans un tel manque d’inspiration ?... On finit par laisser courir...


Un léger redressement s’opère dans le dernier quart d’heure, alors qu’on n’y croyait plus, quand l’auteur grognon consent enfin à prendre conscience de son attachement à ceux qu’il croyait abhorrer, une fois qu’il les a effectivement tous vomis hors de sa luxueuse maison. Inespéré, ce sentiment d’échapper enfin à la posture, au surjeu qui ne fait même pas mouche... Un soulagement aussi bref que tardif, et qui ne suffit pas à faire oublier l’ennui et le malaise qui ont pesé précédemment...

AnneSchneider
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le 31 oct. 2019

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Anne Schneider

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