L'histoire du cinéma est passionnante aussi bien par les grands films voire chefs d’œuvres dits officiels, que ceux dont la postérité est pour ainsi dire inexistante. C'est le cas de Modern romance, qui est totalement méconnu. Échec commercial sans nom lors de sa sortie en 1981, ce qui fait qu'il est totalement inédit en-dehors des États-Unis, et a connu une existence souterraine jusqu'à ce qu'il sorte en blu-ray en Angleterre trente-sept ans plus tard.
Albert Brooks est lui aussi inconnu, ou presque, c'est d'abord un comique sur scène, qui a ensuite bifurqué vers le cinéma en proposant un personnage de névrosé et d'égocentrique, ce qui sera le cas ici pour ce qui est son deuxième film en tant que réalisateur.

De quoi parle alors Modern romance ? De la relation très contrastée entre Albert Brooks, qui est un monteur, avec sa compagne, jouée par Kathryn Harrold, une banquière, dont il lui annonce au tout début de l'histoire leur rupture lors d'une scène dans un restaurant, pour une raison qu'on ignore. Mais peu à peu, il va vouloir se mettre en tête de la récupérer, car il se rend compte qu'il ne peut pas vivre sans elle.

Il faut dire que le personnage d'Albert Brooks est présent à l'écran 99% du temps, et il nous est présenté peu à peu comme névrosé, égocentrique (comme ses personnages sur scène) ET d'une incroyable jalousie. Difficile d'aimer un personnage pareil, mais on sent bien que le personnage essaie de s'en sortir, de faire confiance, y compris quand il va renouer avec sa petite amie, mais rien n'y fait, il tombe par hasard sur ses factures téléphoniques, où il voit qu'elle a fait des appels longue distance, il se met à angoisser quand il la surprend sortir des toilettes avec des hommes lors d'une soirée, ou lors d'une rencontre importante pour elle, avec des banquiers. Il se clairement à la suspecter tout le temps, et semble n'être heureux que quand il la tient dans ses bras, loin de tout, y compris lors d'une scène finale vraiment hallucinante où il veut avoir une sorte d'emprise.

Vu comme je le raconte, on pourrait croire qu'il la tue, rongé par la jalousie, mais pas du tout, c'est le portrait sensible et touchant d'un homme qui, au fond, ne se sent pas sûr de lui. On le voit maitre de son domaine quand il est sur une table de montage car il domine son métier, mais face à l'imprévu, il est comme désemparé, car ça n'est pas lui qui a le contrôle de la situation.
Albert Brooks y est par moments vraiment émouvant, même s'il peut prendre le risque d'en faire trop, car on le sent clairement scindé en deux.
Modern romance n'est pas un film triste, il y a aussi de bons moments de comédies, comme celles sur la table de montage, où il modifie une scène d'un film, mais une que je trouve formidable qui se passe dans un magasin de sport.
Après s'être séparé de sa copine, Albert Brooks est euphorique en se disant qu'il démarre une nouvelle vie, qu'il n'a pas besoin d'elle, au point qu'il ne dort pas de la nuit. Comme souvent dans les changements, il va se décider d'aller dans un magasin de sport où, sentant le novice en la matière, un vendeur va réussir à lui refourguer des articles et chaussures hors de prix, tout en retournant à chaque fois à son avantage les doutes de Brooks sur le fait d'acheter par exemple une paire de chaussures à 50 dollars alors que celle à 10 dollars lui plaisaient plus. Il va même réussir à lui vendre en plus des choses improbables comme un bandana et serre-poignet où il peut glisser des pièces pour téléphoner...dont il va se servir pour rappeler au plus vite sa désormais ex-copine !

Au vu de ma critique dithyrambique, on pourrait croire que je me suis reconnu dans le portrait de ce type jaloux : et bien pas du tout, car j'accorde une grande confiance en couple, mais ça m'intéresse aussi car le film montre très bien à quel point être jaloux, soupçonner l'autre, peut être une plaie.
D'ailleurs, j'ai appris dans une interview du réalisateur qu'un des grands fans du film n'est autre que Stanley Kubrick ; on peut dire qu'en 1999, en réalisant Eyes Wide Shut, il donnera sa propre version de la jalousie.

Je ne peux qu'enjoindre les lecteurs de cette critique à découvrir cette merveille méconnue, qui n'oublie pas non plus de filmer un Los Angeles nocturne, et qui me donne très envie de découvrir les autres réalisations d'Albert Brooks.

Boubakar
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Mes films du mois.

Créée

le 4 sept. 2019

Critique lue 357 fois

3 j'aime

Boubakar

Écrit par

Critique lue 357 fois

3

Du même critique

Total recall
Boubakar
7

Arnold Strong.

Longtemps attendues, les mémoires de Arnold Schwarzenegger laissent au bout du compte un sentiment mitigé. Sa vie nous est narrée, de son enfance dans un village modeste en Autriche, en passant par...

le 11 nov. 2012

44 j'aime

3

Massacre à la tronçonneuse
Boubakar
3

On tronçonne tout...

(Près de) cinquante ans après les évènements du premier Massacre à la tronçonneuse, des jeunes influenceurs reviennent dans la petite ville du Texas qui est désormais considérée comme fantôme afin de...

le 18 févr. 2022

42 j'aime

Dragon Ball Z : Battle of Gods
Boubakar
3

God save Goku.

Ce nouveau film est situé après la victoire contre Majin Buu, et peu avant la naissance de Pan (la précision a son importance), et met en scène le dieu de la destruction, Bils (proche de bière, en...

le 15 sept. 2013

42 j'aime

9