Le jour de son anniversaire, la jeune Angelik saute du balcon, le regard face-caméra, et met dès lors le spectateur dans la confidence. Les autres membres de sa famille ne prêtent aucune attention à son suicide. Alors qu'ils privilégient la thèse de l'accident, le doute s'installe pour les services sociaux. Et derrière les silences et les visages fermés, des secrets. Et si c'était la famille qui était à l'origine de cette tragédie ?

Une claque dans la même ligne qu'un autre film grec, Canine, que j'avais moins aimé car plus trash et sûrement trop violent pour moi. Alexandro Avranas mise tout sur la lenteur de son récit et sur une relation particulière avec le spectateur. Tout au long du film, le spectateur entretient un lien avec les protagonistes, qui d'un regard perturbant, fixent la caméra pour créer un malaise. On a le sentiment d'être pris en étau, impuissants face à la barbarie. Et si cette barbarie est si éprouvante, c'est qu'elle est sans cesse atténuée par des plans fixes, une absence de musique, des scènes suggérées et une violence parfois crue, pour heurter, mais souvent cachée. Mais lorsque la vocation d'un film n'est pas de montrer une violence mais plutôt ses conséquences, et que la réalisation met l'accent sur le magnétisme des non-dits et de la suggestion, l'infamie des actes est décuplée et installe l'indisposition du voyeur. Le fait de ne pas mettre en scène la violence à l'état brut participe évidemment à créer l'effet inverse : elle est impalpable, distillée, insinuée, donc plus irrespirable encore.

Si le film souffre d'une nonchalance évidente dans certains détails qui asphyxie, c'est pour épouser le quotidien de femmes impuissantes ou, au contraire, terriblement complices, qui jouent sur la corde sensible du regard : tout se passe dans le regard, dans Miss Violence. Les couleurs sont ternes, les bruits claquants, l'atmosphère oppressante assourdit l'humanité des personnages et rend les dernières minutes du film insoutenables. Il y a une fatalité sordide et malsaine qui s'empare de chaque plan. Une fatalité qui débute le film et qui la termine, une fatalité qui annihile toute espérance et tout faux-semblant. Il n'y a pas de sortie de secours. La seule façon de vivre dans cette famille, c'est de mourir. Et elle est morte, le sourire aux lèvres.

Les cris, puis plus rien. La tristesse des anges est un désespoir en décrépitude.
EvyNadler

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