Depuis sa Planète des Singes, film de commande sans âme, je n'attends plus grand chose de celui que je considérais jusque là comme un génie cinématographique, le controversé Tim Burton...
Il a ensuite fonctionné sur courant alternatif, produisant tantôt des films plutôt réussis comme le lunaire Big Fish ou encore le sombre (mais insupportable pour les allergiques au genre de la comédie musicale) Sweeny Todd, tantôt des films au contenu artistique plus discutable comme Alice au pays des merveilles, voire putassier comme le vulgaire et racoleur Dark Shadows, ou encore en trahissant même ses oeuvres de jeunesse avec l'inutile Frankenweenie qui aurait dû rester un charmant et émouvant court-métrage.
Je ne suis même pas allé voir Big Eyes, qui ne me tentait absolument pas.
Je n'espérais donc pas grand chose en allant voir en salles son tout dernier film, Miss Peregrine et les Enfants particuliers, à part une histoire un peu féérique et du grand spectacle.
J'ai donc été agréablement surpris durant les premières minutes, retrouvant des éléments qui m'avaient plu dans les premiers films de Burton, à savoir du mystère, une ambiance mêlant le merveilleux et l'inquiétant, et un storytelling dans le plus pur style de ses meilleures oeuvres. Et au fil de l'aventure de Jake, notre héros, je me suis gentiment laissé promener à sa suite dans cette histoire qui rappelait des éléments de Big Fish, d'Edward aux mains d'argent, de Beetlejuice ou même de l'Etrange Noël de Mr Jack! J'ai apprécié ses rencontres avec les Enfants particuliers au charme suranné, et avec la fameuse Miss Peregrine, campée par l'impeccable Eva Greene, alliant élégance et sévérité, sympathie et étrangeté.
Burton s'intéressait de nouveau à la question du freak avec un oeil tendre et amusé, mais aussi avec le petit côté gentiment macabre qui était si charmant dans ses oeuvres les plus inspirées. J'étais donc ravi, et savourais cette agréable histoire très joliment mise en images, avec même une bienveillante indulgence pour quelques menues maladresses comme une histoire d'amour bateau (sic) et inutile qu'on voyait poindre avec ses grosses chaussures (re-sic), ou certains éléments un peu expédiés à mon goût. Même le design un peu facile et déjà vu des "croque-mitaines" trouvait grâce à mes yeux car il me ramenait la saveur des vieux Burton que j'aimais tant!
Tout allait donc à peu près pour le mieux dans ma séance, jusqu'à ce qu'arrivé un peu au-delà de sa moitié, le film sombre, sur les notes d'une musique techno totalement malvenue, dans l'idiot, le facile, le bavard, et l'incohérent! Patatras, la charmante histoire se pétait grave la gueule!!!
Si je pardonnais assez volontiers son cabotinage à Samuel L Jackson dans le rôle du méchant de l'histoire, je ne comprenais pas pourquoi Burton s'évertuait à saboter l'ambiance magique de son film par le recours à un son qui jurait autant avec ce qu'il nous avait offert jusque là. C'était de l'auto-sabotage pur et simple! De même qu'une énorme incohérence scénaristique qui ferait se dresser les cheveux sur la tête du Dr Emmett Brown ou de Marty Mc Fly, au son d'un "Nom de Zeus!" tonitruant. Pour ne rien arranger, les méchants de l'histoire étaient d'une bêtise si crasse qu'il fallait bien que les Enfants particuliers usent assez mal et parcimonieusement de leurs capacités pour que le conflit ne soit pas expédié en quelques secondes à peine!
Pour tout gâcher, à la fin de l'histoire, non seulement Burton ne fait qu'effleurer une partie du voyage de Jake qui aurait sans doute été la plus intéressante, mais surtout il conclut sur un constat pessimiste et contre-productif : les freaks n'ont pas leur place dans la société, et ils ne pourront jamais être heureux qu'ensemble, à l'écart, sans aucun espoir de trouver une place légitime parmi les gens "normaux", même pas auprès de leurs familles, de leurs proches qui les aiment mais qu'ils doivent abandonner sans remords ni regrets.
Dommage, car Miss Peregrine et les Enfants particuliers avait tout pour être un très bon Burton, beau, féérique, épique, un savant mélange entre la saga Harry Potter et une version enfantine et enchanteresse de X-Men, au lieu de quoi ce n'est au final qu'un film un peu bâtard, au potentiel gâché et qui ne satisfera que les enfants et peut-être les ados un peu attardés...

CharlesLasry
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le 13 oct. 2016

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Charles Lasry

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