Miss Hokusai
6.4
Miss Hokusai

Long-métrage d'animation de Keiichi Hara (2015)

Le sourcil dru, la mâchoire légèrement prognathe, autant de non-critères de beauté qui confèrent à notre héroïne un charme singulier, traduction physique de la détermination qui la caractérise. Un charisme qui ne trouve cependant pas écho chez les autres personnages, en définitive bien transparents. Son père même, chez qui l'on attendait une aura puissante, qui impose le respect, est une figure très oubliable. Je veux bien croire qu'il y a là une volonté de démystification, mais la conséquence directe est que la force de volonté de la fille, sans symbole consistant contre lequel s'exercer, nous paraît à son tour superficielle. Cela est bien dommage, puisque même la figure centrale du film est ainsi vouée à rapidement s'effacer de nos mémoires.
Plus globalement, on note que ce film peut se montrer très inégal. Il ouvre quelquefois des pistes intéressantes sur la force créatrice, qui versent ouvertement dans le fantastique, mais la banalité de leur conclusion émousse leur caractère intrigant voire inquiétant. Certes, on comprend que l'artiste a apprivoisé ces élans mystiques qui composent son don, et qu'il n'a de fait pas de raison de s'en montrer impressionné comme nous : cependant, cela laisse au spectateur une impression décousue, dans une succession d'anecdotes dans laquelle on ne peut démêler la part de surnaturel assumé de l'imagination des personnages.
L'enchaînement semble ainsi manquer de sens, d'autant qu'il est entrecoupé de scènes de peu d'intérêt, dans lesquelles on sent que l'on veut nous faire explorer la personnnalité et la vie intime de notre héroïne, mais qui restent toujours insuffisantes pour faire émerger un point d'ancrage, une connexion. Nous en revenons au manque de profondeur des personnages, qui se traduit par un manque d'émotion même dans les scènes censées, nous l'imaginons, nous arracher la petite larme syndicale.
C'est ainsi que nous arrivons à la fin sans trop savoir pourquoi, puisque le climax qui nous l'amène est à peine ressenti – en vérité, je crois qu'il est seulement compris intellectuellement. S'il est évident à l'esprit qu'il s'agit d'une conclusion, le coeur reste sur sa faim. Le voyage s'achève en ayant à peine été effleuré par l'émotion, bien qu'il laisse s'attarder un instant sur la rétine quelques images pleines de magie. Cette illusion-là, pourtant, sera elle aussi bien vite dissipée.

Shania_Wolf
6
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le 5 sept. 2015

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Lila Gaius

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