Magical Fighters

Tour d'abord disons le clairement, si vous n'aimez pas l'humour cantonais style "spectacle de rue", ce film risque de vous écœurer.
Mais celui ci comme toutes les comédies Kung-fu en fait...
Je peux comprendre que ce genre d'humour burlesque puisse déplaire, mais faut pas déconner, ce film est génial !

Le scénario fait très prétexte, mais il reste assez original dans son genre. D'autant qu'on met du temps à comprendre où le film essaye d'aller.

La première partie avec la fuite du personnage d'Eddy Ko (à partir du moment où il y a Eddy Ko dans un film, on sait que ça va être cool) est étonnamment très sérieuse, même cruelle.
C'est un personnage tragique, qui emmène bien malgré lui le malheur et la violence dans le film.
Il permet quelques passages tragiques et assez émouvants dans une œuvre qui s'inclut clairement dans un genre de comédie expérimentale.

Très vite le personnage d'Eddy Ko est délaissé (éternel acteur de rôles secondaires oblige) et il laisse place ensuite aux 2 stars du film, 2 codisciples grincheux dans la fleur de l'âge.
Véritable vecteurs d'humour, les personnages sont brillamment interprétés et hauts en couleurs.
Certains spectateurs peuvent leur reprocher un certain cabotinage, mais ce surjeu est parfaitement cohérent.
Ils représentent une réécriture du Sifu traditionnel. Même s'ils portent les mêmes valeurs, l'enjeu était de les rendre moins rigides, plus volatiles et bien bien bien plus extravertis.
Yuen Woo-Ping avait plus ou moins initié cette modification avec le maître du Chinois se Déchaîne et de Drunken Master, aussi charismatique qui ridicule avec sa dégaine de clochard.
Il fait d'ailleurs un joli petit hommage à son père dans ce Miracle Fighters, encore une fois en y mêlant respect immense et tendresse taquine.

Le personnage principal en revanche se révèle assez classique. Le disciple maladroit, parfois un peu insolent, qui a ses moments de colère, de doute mais beaucoup de bienveillance... Ça fonctionne, mais c'est du déjà vu, on aurait pu tenter quelque chose de plus déviant à l'image du film.

Le méchant en revanche est top. On a affaire à un pur salopard, égoïste, calculateur et implacable.
Encore une fois interprété par le 3ème de la fratrie, avec son visage bien moins amical que ses frères.
L'antagoniste fait office de gimmick, d'ombre menaçante qui revient à la charge aux moments où l'on si attend le moins (ou presque).

De toute façon, c'est un vrai plaisir de retrouver ce casting de confirmés, tous des habitués du réalisateur.
C'est d'ailleurs particulièrement agréable de découvrir comment il a réussi à recaser toute sa famille dans son film cette fois.
Ainsi donc on retrouve le cadet dans un rôle secondaire de sbire.
Le suivant dans le rôle de l'antagoniste (comme à son habitude).
Le prochain dans le rôle d'un des 2 condisciples, une femme (oui oui).
Et le benjamin dans le rôle du héros.
Avec ça, l'hommage au paternel, et toute la petite famille est réunie pour nous faire son spectacle.

Et quel spectacle...
On dit de Yuen Woo-Ping qu'il s'adapte à tout. C'est vrai. Mais sa plus grande qualité reste son esprit créatif impérissable.
Que d'idée dans ce film... Peut être même plus que dans n'importe quel autre du réalisateur !
L'ambiance presque fantastique, car se consacrant à des sorciers, permet énormément de liberté dans les combats ainsi que dans la mise en scène.
Ainsi donc il est parfaitement crédible de se battre avec un poulet rôti en feu, de se transformer en nain, de faire pousser des montres sous ses vêtements etc etc...
Et le réel génie de cette mise en scène réside dans son application.
Il ne s'agit pas là d'user de techniques fluides comme des effets spéciaux ou d'autres effets de post-production.
Non, tout ici est fait de bric et de broc.
Ce sont les astuces de mouvements, de mise en scène et de montage qui permettent ce spectacle.
Comme des tours de magie, dont on peut saisir les ficelles en regardant bien.
Ce côté très Méliès dans les trucages donne un cachet unique et vraiment attachant au film.

Cette mise en scène évolutive et riche en expérimentation permet également d'inciter le rire chez le spectateur.
Car la surprise est constamment présente, le ridicule clownesque aussi, comme un spectacle de cirque où tout va à 200 à l'heure et où on s'émerveille de tout ce qu'on nous offre.

Et si on rajoute à ça les combats à la Yuen, alors le spectacle est total, et la magie opère encore plus.

Des prouesses de mise en scène, de montage, de combats... Que demander d'autre ?

Même la musique semble alternative, un peu bizarre et soutient ce côté très attirant mais en même temps déstabilisant.

En bref, Miracle Fighters est un pur délire. Une tentative réussie de renouvellement du cinéma d'arts martiaux.
Un parfait assemblage de bonnes idées en tout genre.
Une ambiance burlesque, presque baroque parfois. Qui donne au film une identité folle.
Parfois vraiment drôle, parfois déroutant, un peu angoissant à quelques moments, constamment spectaculaire et grisant.