Microhabitat
7.2
Microhabitat

Film de Jeon Go-Woon (2018)

C'était une de ces longues soirées du confinement. J'étais dans ma chambre, il était trois heures du matin. Je ne travaillais plus depuis bientôt deux mois. Chaque jour ressemblait à chaque jour dans mon petit appart. Et puis je tombe sur Microhabitat.


Microhabitat est un film de personnage, d'acteur comme pouvait l'être Joker, Jeune femme et Toni Erdmann. C'est à dire qu'on ne se focalise principalement que sur un protagoniste et tous les enjeux sont sur lui. Le protagoniste se construit plan par plan et devient le film. Ces oeuvres nous présentent quelqu'un. Il nous fait la connaissance. Reste à savoir si ce personnage vaut la peine d'être suivi une heure trente. Ici, oui.


Elle fait des petits boulots pour pouvoir payer son loyer car il faut bien qu'elle ait un toit, ses clopes car elle est accro à la nicotine, ainsi que son verre de whisky parce que c'est le petit plaisir de la vie qui la fait tenir. That's all folks, elle n'aura pas assez d'argent pour d'autres loisirs. Arrivé la nouvelle année, le coût de la vie augmente. Faut faire un choix car elle ne peut plus se payer les trois. Elle décide de lâcher son loyer et, de ce fait, renoue avec des amis chez qui elle va dormir le temps d'amasser assez d'argent pour se trouver un nouvel appartement. Alors on la suit, vivre différentes petites situations dans différentes chambres. Elle vient en aide à des amis qu'on n'imaginait pas plus déprimés qu'elle. Chaque nouvelle chambre qu'elle squatte donne lieu à des péripéties éphémères donnant l'illusion que Microhabitat est un recueil de court métrage dont elle en serait le fil qui les lie.


La douceur du film réside dans l’interprétation du personnage qui ne se démonte jamais. Elle est évanescente. Elle flotte sur la ville. Elle souffre d'une maladie des cheveux qui se dépigmentent rapidement si elle ne prend pas un traitement. Traitement qu'elle doit se payer. C'est une idée poétique astucieuse. On les voit alors plus ou moins gris, selon la situation de galère dans laquelle elle se trouve. Sa situation se reflète sur ses cheveux qui n'ont de cesse de grésiller doucement tout le long du film. Comme une petite ampoule usée qui parfois éclaire parfaitement, parfois se trouve en situation de faiblesse.


Jamais elle ne perds pied. Elle prend sur elle tant qu'elle peut profiter de sa petite clope et de son petit verre de whisky. Elle déborde tellement d'espoir qu'elle nous en donne volontiers.


J'ai gueulé sur son petit copain quand il lui annonce qu'il part à l'armée, la laissant seule. J'ai chialé quand il vient l'embrasser une dernière fois.
Tout comme le film, je l'ai cherché quand elle disparaît. Lui comme moi, on s'est sentit orphelins. On a posé notre tête contre la vitre du métro à regarder la ville au loin jusqu'à ce que... OH ! Là voilà ! Les cheveux plus blancs que jamais ! arrêt sur image. On ne sait pas si c'est bien elle mais on s'accroche à ça. On s'arrête là dans la fugacité de l'instant. Elle est présente, peu importe où, on sait qu'elle est là, quelque part. On tombe amoureux je crois...


Il y a alors une forme de silhouette universelle du galérien qui se crée. Le film, qui pourtant n'est qu'une histoire anodine d'une fille qui fait le choix de ses clopes et de son whisky en vient à nous parler d'universalité. Du choix de vie, de sociabilisation, de solidarité, de liberté.


Il est des films qui font du bien, qui vous mettent dans un petit cocon.


Merci Outbuster!

SnakePli
10
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Créée

le 15 sept. 2020

Critique lue 342 fois

4 j'aime

SnakePli

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