Il serait problématique, pour certains doctes du site, de faire un film sur un massacre réel en mode immersif, l'esbroufe ne masquant qu'avec peine la volonté de sensationnalisme et l'artificialité.


Oui, je parle bien d'Utoya, 22 juillet.


D'autres s'étonneront d'autoriser la sortie d'un film traitant des faits qui n'ont pas encore été jugés.


Oui, je parle de Grâce à Dieu.


Dommage de ne pas les entendre parler de leur belle éthique concernant une entreprise telle que Leaving Neverland.


Je parle d'entreprise, car j'ai du mal à qualifier ce film de documentaire.


Il s'agit plutôt d'un véritable réquisitoire, qui utilise sans réserve et sans vergogne une manipulation insidieuse des mots et des images. Il s'agit d'accusations sans aucune preuve concrète, dans des interviews mises en scène qui donnent le malaise, parsemées d'images de Neverland décrit comme la maison en pain d'épice de Hansel et Gretel qui, à entendre les allégations, était désert et aurait quasiment été pensé dans sa construction comme devant abriter les ébats interdits et autres sévices. Imaginez donc, il y avait même une cloche pour avertir Michael de la présence d'intrus et laisser le temps à la star de ne pas se faire prendre la main dans le sac...


Jackson, lui, devient un véritable prédateur, angoissant, exclusif, décrit comme un ogre ou encore une araignée manipulatrice tissant sa toile d'influence et de charme autour de ses victimes.


Volontiers abject dans les descriptions des actes subis, impudique, racoleur et complaisant, Leaving Neverland ne sert à aucun moment la cause de ses initiateurs ou de ses témoins, à force de charge sans nuance minorant la charge émotionnelle des interviews, sans jamais s'interroger sur le côté obscur des deux victimes principales, Wade Robson et James Safechuck.


Car on oublie soigneusement d'indiquer, par exemple, lors des procès de la star, que l'un d'entre eux, qui a témoigné pour son innocence, avait été jugé à l'époque extrêmement convaincant et crédible... Tout comme le documentaire le montre aujourd'hui affirmant le contraire de ce qu'il;avait assuré à l'époque devant le Tribunal.


Un tel produit se heurte dès lors à une simple interrogation témoignant d'un certain bon sens : quand cette personne ne ment-elle pas ? En 2005 ou aujourd'hui ? Laquelle des nombreuses versions discordantes de leur récit est la bonne ce coup-ci ?


Leaving Neverland ne témoigne que d'une vérité : celle des victimes, dans une version upgradée. Il ne témoigne en aucun cas de la réalité en l'absence de tout commencement de preuve, ce qui peut apparaître des plus troublants alors que des années d'enquêtes ont été effectuées, et que le FBI y a même participé.


Tout comme la compagnie perpétuelle des enfants entourant la star, certains de ses comportements, appellent de manière inévitable un certain malaise et le sentiment que non, décidément, il n'y a pas de fumée sans feu...


Un film comme Leaving Neverland est extrêmement problématique : car il ne rend pas justice aux prétendues victimes, car il accuse sans ambage et sans preuve.
Mais le pire de tout, ce "documentaire" se torche littéralement avec la présomption d'innocence, ou encore le fait qu'il s'attaque à un mort qui n'est plus dans la capacité d'apporter la contradiction à ses accusateurs.


Je ne disserterai pas sur la volonté des victimes de rester aussi longtemps dans le sillage de leur abuseur, ni sur le mobile de la production d'un tel machin, entre timing opportun, volonté d'exploitation du post #metoo, argent facile sur le dos d'un artiste qui rapporte plus mort que vivant, et polémique vomitive portée par les hystériques réseaux sociaux déchaînés et d'un simplisme à faire peur.


Car ce film ne le mérite tout simplement pas, finalement. En effet, aucune révélation fracassante, aucune mesure, aucune délicatesse. Une fois passé le moment peu glorieux de description par le menu des sévices et étreintes les plus dégoûtants dans les moindres détails, Leaving Neverland sombre dès sa mi-parcours dans le terne et l'ennuyeux, se contentant de radoter ses accusations comme un malade d'Alzheimer ses fixettes.


Ce documentaire passe donc à côté de l'essentiel : un peu de sérieux et de mesure dans ce qu'il décrit, ou la prudence dans la manipulation de la parole des victimes et de sa mise en scène.


Leaving Neverland ne s'illustrera que dans son sensationnalisme cheap et mou et dans son absence totale de la moindre éthique. Non pas que je remette en cause la parole des abusés, ou condamner le fait que l'on s'attaque à Michael Jackson, mais plutôt le fait qu'un tel (trop) long métrage ne serve que de rampe de lancement au procès, en forme de match retour, d'un mort qui ne pourra plus jamais se défendre.


L'injustice spectacle, voilà ce dont Leaving Neverland fait complaisamment son miel. Dans un sentiment qu'il n'est pas interdit de considérer comme de l'abjection.


La parole, parfois juste, des victimes méritait mieux que cet étalage peu glorieux et volontiers putassier.


Behind_the_Mask, ♫ Who's bad ?

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le 22 mars 2019

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