Un film d’épouvante que je peux aisément qualifier de bonne surprise, l’argument de l’adaptation lovecraftienne a joué au moment de me programmer une petite séance nocturne comme j’aime, de plus l’œuvre apparait vraiment comme méconnue, et je dois dire que j’apprécie plus que tout me lancer dans des limbes inexplorées du genre avec ma sacoche pour dénicher des pépites. Le titre Messiah of Evil (Le Messie du Mal) est d’ailleurs assez accrocheur, bien qu’un brin sensationnaliste, avec un poster rappelant vaguement le style Giallo, à ne pas s’y méprendre car le long métrage est bien américain mais semble s’inscrire de ce fait au milieu de cette époque des Bava, Fulci et autres Argento.


Idée totalement validée dès l’intro car là on est en plein dedans, sorte de parenthèse sur-esthétisée et mutine à coup de rasoir, avec du recul je me questionne d’ailleurs sur sa réelle utilité dans le récit, surtout que la seconde séquence aurait été bien meilleure pour entamer l’intrigue. Ce plan à contre-jour dans un long couloir avec cette femme se rapprochant et annonçant de vive voix une menace effrayante est juste génial, le générique arrive dans un cri strident et nerveux soutenu par les premières notes de musique qui résonnent pour planter l’univers illico presto (nan mais écoutez moi cette musique !).
Arletty se rend à Point Dune, petite ville au bord du Pacifique, pour y retrouver son père, artiste peintre, mais ce dernier a disparu en laissant d’inquiétants écrits au milieu de son immense demeure tapissée de fresques murales. Sa fille se lance donc à sa recherche mais se confronte à l’indifférence des habitants, elle finira par trouver du renfort en la personne d’un énigmatique dandy collectionneur de légendes. L’une d’elle raconte qu’une fois que la lune se remplira de couleur sang marquera le retour après un siècle d’absence d’un homme en noir, le Dark Stranger, être indestructible et cannibale détenteur d’un ultime secret. La ville semble déjà contaminée …


La force de ce film est clairement son degré de mystère et son atmosphère à mi chemin entre Carpenter, Argento et Romero, le réalisateur Willard Huyck arrive à directement nous captiver pour ne plus nous lâcher pendant une bonne heure et demi, ce qui n’est pas toujours chose aisée il faut en convenir. Le casting est plus que correct (n’allons néanmoins pas chercher de grande performance, c’est d’ailleurs largement suffisant) et la mise en scène se révèle souvent très inspirée avec une maitrise de la tension vraiment intéressante et scotchante, j’ai par exemple adoré la séquence dans le cinéma, sans doute la plus équivoque, ingénieuse et marquante, il suffit de voir comment l’espace est occupé en ressentant l’étouffement qui entoure la jeune femme. Il y a quelque chose d’hypnotique, que ça soit par le cadre esthétique (les couleurs rappellent directement Argento, les motifs sur les murs évoquent une transposition fascinante de la perception et de la profondeur de champ (ex. 1; ex. 2)), le récit se montrant parfois subtilement évasif et l’excellente bande son, tout juste ce qu’il faut pour s’imprégner de l’ambiance très marquée 70s, c’est ça qu’on aime ! De plus il se dégage une ébauche de sensualité non négligeable ainsi qu’un obscur sentiment annihilant tout espoir du genre humain (très lovecraftien) où se mêle onirisme cauchemardesque et fatalité sanglante.


Après Messiah of Evil contient des défauts, surtout en ce qui concerne le montage et quelques soucis de maitrise malgré tout, car oui le film aurait pu être bien meilleur, techniquement les raccords semblent parfois avoir été cutés au hachoir avec un mixage son approximatif, ce qui parasite le visionnage en le rendant passablement vieillot, j’imagine que ça dérangera les puristes et/ou les difficiles (un lifting DVD/BR mériterait de voir le jour). Les maquillages ne sont pas non plus franchement réussis, reflétant un manque de moyens évident, il aurait fallut je pense masquer les artifices par une meilleure utilisation de la photographie, certaines séquences zombiesques sont filmées avec de la lumière naturelle (style Romero), ce qui est dérangeant, mais pas non plus assez pour tomber dans le ridicule fort heureusement. Après personnellement je trouve que la substance même de l’histoire n’est pas tout à fait exploitée comme elle aurait dû l’être, des personnages possiblement intéressants ne sont pas ou très peu élaborés comme le roux à la gueule flippante et le vieil alcoolique, la fameuse légende de la lune rouge aurait également gagnée à être davantage mise en avant, encore que … le mystère ça a du bon.


Sincèrement Messiah of Evil vaut vraiment le détour, le genre de film d’épouvante qui fleure bon l’âge d’or et qui nous transporte avec délectation dans un autre monde, celui de la fantasmagorie et de l’angoisse pure, avec une histoire d’apparence simple mais qui s’en retrouvera mystifiée et bigrement passionnante. Certes on n’est pas non plus dans le chef d’œuvre mais ce discret long métrage se révèle être l’objet idéal pour passer un très bon moment au milieu de la nuit, les amateurs apprécieront et les curieux seront justement récompensés.

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le 16 juil. 2015

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JimBo Lebowski

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