La dernière ère mésestimée de Chabrol...

Jeanne Pollet (Anna Mouglalis) apprend par hasard qu'elle a failli à sa naissance être échangée avec Guillaume (Rodolphe Pauly), le fils du pianiste virtuose André Polonski (Jacques Dutronc). La coïncidence est étonnante puisqu'elle est une jeune pianiste très douée elle aussi. Elle va en profiter pour s'introduire chez lui qui va en faire son élève. Elle rencontre la famille dominée par Marie-Claire (isabelle Huppert), femme bienveillante héritière des chocolats Muller. Jeanne va douter de l'apparente gentillesse de Marie-Claire suite à une "maladresse "....
Ce film marque les retrouvailles entre Chabrol et Isabelle Huppert. Mais aussi entre le réalisateur et Caroline Eliachef, une psychanalyste avec qui il avait déjà écrit le scénario de "la cérémonie" , un de ses sommets.
C'est l'adaptation du roman de Charlotte Armstrong.
Ils ont changé des petits détails comme le fait que André Polonski ne soit plus peintre mais pianiste. Pour info Claude Chabrol savait jouer du piano parce qu'il aimait beaucoup la musique et cela rend le film plus personnel.
Si l'histoire se passe comme souvent chez Chabrol dans un milieu bourgeois, il étonne quelque peu par la construction du récit. Chabrol fait monter son suspens en nous montrant peu à peu des petits détails qui nous font douter de la bonté de Marie-Claire. Il le fait de manière très habile en désorientant le public: le meilleur exemple est quand Marie-Claire fait tomber la gourde remplie de chocolat. En tant que spectateur on se met à dire que c'est mal fait car c'est un peu voyant. Sauf que quelques minutes plus tard on sait qu'elle l'a faite de manière volontaire et c'est ce qui va intriguer Jeanne... Donc c'est très bien joué....
Il épure au maximum sa mise en scène et ce n'est pas de la paresse comme le disent les détracteurs du film mais au contraire plus de travail qu'on ne l'imagine. D'ailleurs on a l'impression que c'est facile alors que ça ne l'est surement pas... Il en profite pour s'amuser en nous montrant les cassettes vidéos de deux ses films favoris : "La nuit des carrefours" de Renoir et "Règlement de comptes" de Fritz Lang (un des réalisateurs fétiche de Chabrol avec Hitchcock évidemment !) .
Chabrol nous livre un film sur le mal absolu, celui qui ne se voit pas. Et un long métrage sur les secrets enfouis , voire les non-dits. C'est la 3ème fois qu' Isabelle Huppert joue une "psychopathe" sous sa direction après "Violette Nozière" et "La cérémonie". Elle est une fois encore géniale et fascinante. Elle a reçu le prix d'interprétation féminine Montréal 2000.
Le reste de la distribution est pas mal du tout à commencer par Anna Mouglalis dans un de ses tous premiers rôles et a déjà cette magnifique voix grave... Et bien sur Jacques Dutronc parfait en pianiste virtuose dont la nonchalance naturelle sied à merveille à son personnage. Rodolphe Pauly est par contre un peu en dessous de ses partenaires... Dans les rôles secondaires le spectateur se réjouira sans doute de voir Michel Robin.
"Merci pour le chocolat" obtint un joli petit succès à sa sortie avec près d'1 million de spectateurs et des critiques positives dans l'ensemble. Mais il a quelque peu dérouté (il suffit de voir la moyenne assez moyenne justement de ce film sur ce site !) ce qui se peut comprendre puisque Chabrol préfère évoquer plutôt que tout expliquer ce que je trouve personnellement plus fort...
Un Chabrol à redécouvrir tout comme ses derniers films largement sous-estimé dans l'ensemble....!