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"Même si vous ignorez le point de vue métaphysique et choisissez de regarder le monde du côté rationnel c'est à dire de l'extérieur, il vous faut tout de même un minimum de compréhension pour en saisir l'unité. La lutte pour l'existence et pour l'enfant à problèmes doit être menée en permanence."


Voici ce que hurle un des personnages traversant un bois sous le bruit des bombes, poussant frénétiquement sa femme à moitié nue en chaise roulante. C'est bien évidemment une phrase sur le film lui-même, phrase que le réalisateur a choisi comme point d'entrée de cette œuvre.


Autant le dire tout de suite, ce n'est pas un film facile, aucun de ceux de Schlingensief ne le sont de toute façon. C'est un réalisateur hardcore, qui s'érige presque en directe évolution du cinéma de Fassbinder et de Lynch. Pourtant, le film auquel il m'a le plus fait penser, c'est la Cité des Femmes, de Fellini. On y trouve la même énergie anarchiste, le même bordel permanent et la même énergie contrastée, incarnée d'un côté par des personnages hystériques, de l'autre par une caméra au calme exemplaire. Rarement aura-t'on vu une mise en scène si posée pour un tel déferlement de folie. Voir, en plan fixe, large, ce père couché au côté de son fils, la trentaine mais au t-shirt bien trop petit pour lui, lécher son oreille et réciter ce qui se rapproche d'une litanie funèbre. Ou bien cet obèse à la tête horrible (qu'il m'excuse si il me lit), tripoter puis manger ce qui ressemble à une cervelle gluante ou à une bouillie de tripes, jusqu'à ce qu'un moustachu lui insère ses doigts dans la bouche, lui faisant vomir ce qui ressemblait pourtant à un si bon repas, dans un long gros plan aux mouvements rares. C'est quelque chose.


Et là où de pareilles scènes pouvaient se retrouver chez Fellini (plus contrastée quand même) ou chez Lynch, il existe pourtant une différence fondamentale entre les artistes. Fellini et Lynch travaillent d'arrache-pied pour insérer cette bizarrerie ambiante dans un contexte plausible. Autant le dire tout de suite, Schlingensief s'en bat les couilles de la plausibilité.


Les seules infos sures qu'on obtient à la fin du récit, c'est qu'on est en Allemagne. Pour le reste ... Le film s'amuse, grâce au montage, grâce aux angles de caméras, grâce à la destruction de règles (ses essais sur la règle des 180 est fascinant, tant parfois, à cause de ce qui est montré, on l'oublie, mais il la transgresse presque sans cesse), de nous balader d'une réalité à une autre. D'une temporalité à une autre. Les dialogues n'ont pour la plupart aucun sens. Et quand ils en ont, ils n'en ont qu'en tant que commentaire direct sur le film en tant qu'essais. Ou bien ce sont des citations nazies. Ça dépendra.


Schlingensief est une figure contestée dans le cinéma Allemand. Depuis ses premiers films, de nombreux professionnels du métier se poseront la question de la qualité, et surtout du sens, de son héritage. Donc au final, de quoi parle menu total ? Du nazisme ? Sans doute, comme tous ses films. De la représentation de la violence ? Peut-être. Du conformisme de du cinéma ? Du futur ? De rien du tout ? Je n'en sais foutre rien.


Ce que je sais en revanche, c'est que ça m'a plu, beaucoup. D'une part parce que ça faisait longtemps que j'avais pas vu un film vraiment bizarre, ça rafraichit à l'heure ou la grande majorité des films me font chier. D'autre part car le rythme est parfait à mon sens, on alterne différentes mini scaynetes sans que ça ait le moindre sens, certes, mais elles durent à chaque fois ce qu'il faut de temps pour nous émouvoir, nous émerveiller ou nous dégouter. Car oui, si je mets surtout en avant le caractère dégueulasse du film, car il est majoritaire (pensée à cet enchaînement : citation nazie - viol d'handicapée - mangeage de cerveau en quelques minutes), il y a aussi de beaux moments de grâce au milieu de ce zbeul incessant. La danse entre le fils (? je sais pas en vrai si c'est le fils ou quelqu'un d'autre) et sa mère handicapée aurait pu figurer dans un Tarkovski tant c'est beau.


Pour conclure, enfin, je pense que c'est le genre de film qui n'est pas destiné à tout le monde, pour certains ça ira à l'encontre de leur idée du cinéma, pour d'autre, ce sera juste vulgaire et chiant. Mais je pense que ce genre de film est à saluer, justement, pour cette capacité intrinsèque à diviser le public tout en posant de réelles pistes de réflexion sur le médium. Sans doute un des meilleurs films de cinéma sur le cinéma que j'ai eu l'occasion de voir ces derniers temps.

PizzaMegazord
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le 30 oct. 2018

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