Memories
7.5
Memories

Long-métrage d'animation de Koji Morimoto, Tensai Okamura et Katsuhiro Ôtomo (1995)

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Un petit bijou constitué de 3 court-métrages d'animation japonaise

"Memories" n'est pas un film. C'est plutôt un projet, monté étrangement il faut dire : trois animations, trois scénarios différents, trois esthétiques différentes ; rien à voir entre chacun de ces trois court-métrages, on peut donc parler d'une "compilation".
Difficile dans ces conditions de donner une note globale, alors je me suis permis de juger chacune des oeuvres & de formuler une moyenne générale.

Premier court-métrage : Magnetic Rose. Dans un futur lointain, où l'humanité est probablement à la recherche de débris, faute de matériau sur la planète où elle réside, un vaisseau de quatre éboueurs reçoit un appel de détresse d'un amas de débris qui semble former, grâce à l'attraction, une nouvelle planète. Très vite, ils s'aperçoivent que la petite planète n'est pas habitée par une entité vivante, mais par un esprit déchu, ou un système déréglé.
A partir de là, on est emmené dans l'histoire du personnage malfaisant : une jeune femme anciennement reconnue pour ses talents musicaux était tombée amoureuse d'un homme, qu'elle ne voulait quitter. Seulement, suite à la mort de celui-ci, elle s'est réfugiée dans son monde personnel, entourée de ses souvenirs, meurtrie.
Les images sont magnifiques, on assiste à un véritable space-opera, l'ensemble est majestueux, digne, à tel point que ça en est parfois cucul, mais le suspens monte tellement en intensité, le malaise devient si grand, que le tout est splendide.
C'est très poétique, servi d'une manière nonchalante, dérangeante, avec quelques points mystérieux & hallucinatoires que l'on ne parvient pas à résoudre. Ah, & la bande originale est signée Yoko Kanno, cela ne peut être négligé. C'est pourquoi je lui décerne un 8/10.

Deuxième court-métrage : Stink Bomb. Un employé de laboratoire ingère malencontreusement une pilule devant servir a priori au gouvernement. Dès lors, la menace d'une arme biochimique plane sur le Japon, & l'employé, visiblement seul survivant, est chargé de ramener des documents secrets & le reste de ces pilules jusqu'à Tokyo. Le délire ne fait que commencer.
Cette partie est une petite perle thématique, mais j'annonce d'ors-et-déjà que le film peut en rebuter certains. D'une longueur de 40 minutes, le tout aurait largement pu être bouclé en 15. Toutefois, ça en vaut la chandelle : film avant tout comique, il critique ouvertement les incompétences de l'armée japonaise de ces dernières décennies ; incapable de gérer des problèmes de manière simple, les extrêmes toujours abordés. Ici, l'armée use de toute sa puissance pour arrêter une seule personne, ce qui fait, somme toute, beaucoup de missiles. De plus, la bande-son est complètement déjantée, sur une rythmique jazz & funk, non sans rappeler l'univers délirant & tout autant chaotique des jeux "Pokémon Colosseum" ou "Pokémon XD" sur Nintendo Gamecube.
Alors, oui c'est beau, oui c'est impressionnant, oui ça pète de partout , & il y a des cerisiers en fleurs. Mais merde, pendant toute la durée du film, on a envie d'égorger ce petit employé, qui n'est pas foutu de se rendre compte de sa culpabilité ! Qui tue des gens par milliers sans se remettre en question, même après avoir reçu des tirs d'obus dans la tronche. Alors, d'accord, ça en rajoute à l'aspect loufoque, mais il ne faudrait pas abuser, ici le concept est bon, mais le résultat est à peine moyen : 5/10.

Dernier court-métrage : Cannon Fodder. Film très court, & conceptuel : en un seul plan-séquence, bien qu'en animation, le plan-séquence n'est pas vraiment de mise.
On est immergé dans un monde dystopique, en guerre contre un ennemi dont personne n'a la connaissance. Chacun des citoyens de la ville est destiné à passer sa vie à alimenter le canon, d'où le titre ("Chair à Canon") : dès lors, un exemple de chargement est montré, très ordonné, très chronométré, très précis. Les enfants sont formés pour devenir comme leurs parents. & ainsi va la vie dans cette ville faite de canons.
Très joli film que l'on pourrait qualifier d'anticipation, servi par des sons industriels d'une rare qualité, & par des musiques avant-gardistes montrant le ton à adopter concernant le sujet principal, il fait ouvertement la critique de notre société : nous sommes tous des moutons, qui faisons la même chose ; on ne sait pas pourquoi, mais on le fait. Le but du plan-séquence est donc ici de renforcer ce sujet réaliste & douloureux à la fois : la continuité & la morosité de notre condition en société ; nous sommes tous destinés à être comme tous les autres.
Très bonne thématique donc, & un dessin original qui risque d'en ravir certains (bien que je l'aie trouvé très européen), mais le film est beaucoup trop court & s'achève bêtement sur une note qui ne correspond pas à la globalité : 7/10.

Ainsi, Memories prévaut surtout pour le premier & le dernier court-métrages, qui sont de petites perles de l'animation, références aux mondes dérangés souvent rencontrés dans la Science-Fiction. Le deuxième court-métrage, plus neutre & divertissant, n'a pas, selon moi, sa place dans cette compilation.
La moyenne des trois notes donne un résultat avoisinant les 7/10.
Satané
7
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le 27 févr. 2012

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Satané

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