Les mauvaises cinexpériences sont souvent les plus drôles

C'est assez délicat de poster une bafouille pour "casser" un petit film inoffensif qui ne fait de mal à personne, et dont la carrière s'annonce plus que brève, puisqu'il n'est diffusé que dans une seule salle le jour de sa sortie... Ce qui fait forcément un peu de peine pour l'équipe qui a vraisemblablement bossé avec sincérité sur ce projet (Mais ce que j'ai vu est à ce point extraordinaire, que je me suis finalement senti obligé de relater en détails cette expérience).


Si on mobilise autant de personnes pour réaliser un projet, même pour un truc aussi naze, la moindre des choses serait d'avoir une distribution un minimum décente, histoire d'avoir une chance de rencontrer un public quelconque.


En ce qui concerne mon cas perso, le ratio de bons films vus dans le cadre des cinexpériences organisées par Senscritique, vient de rechuter lourdement. Hélas l'éclaircie apportée par la découverte de "La Chute de l'empire américain" aura été aussi succinte qu'inattendue.
Evidemment, il ne faut pas s'attendre à rencontrer une Maripier Morin tous les 4 matins, et après avoir vu un bon film, les probabilités d'en découvrir un mauvais s'envolent, ici ça n'a pas raté.


Petit bilan perso des cinexpériences auxquelles j'ai assisté ces dernières années



  • Made in France : Nanar

  • 99 Homes : Nul + polémique qu'il vaut mieux ne pas trop évoquer et qui m'a valu quelques messages agacés d'un admin du site, je crois avoir évité de justesse un ban def...

  • No Land's song : ça passe

  • Dough : Nul

  • Hibou : Catastrophe cosmique

  • Jackie : Nul

  • L'Homme qui défait l'infini : la seule fois de ma vie où j'ai quitté une salle tant je m'emmerdais

  • La chute de l'empire américain : excellent


Et enfin, roulement de tambour...



MELTEM !



Et sans surprise c'était nul. En ce qui concerne mon parcours personnel, on dira sobrement que j'ai pas eu de cul. Pour rappel, le principe d'une cinexpérience c'est d'aller à une avant-première sans savoir sur quel film on va tomber. Donc la chance y joue une part non négligeable, surtout que dans la liste des films tombés en cinexperience, y en a pas mal qui sont franchement excellents et que j'aurais adoré découvrir dans ce cadre.


Et on le comprend très vite que c'est nul. Au bout de 3 minutes, la sentence tombe et elle est irrévocable.


Très bizarre comme film, une sorte de "le ciel, les oiseaux et ta mère" du pauvre sur fond de crise des réfugiés en Grèce.
Le réalisateur va mettre sur le même plan des caricatures de banlieusards attardés aux dialogues consternants du style "ololol tu veux pécho bidule, mais elle t'a mis dans la friend zone zone zone" (référence à Norman fais des vidéos), et des cadavres de migrants repêchés depuis l'Île de Lesbos.
Pour rattraper leur débilité congénitale et autistique, les caricatures de banlieusards réalisent de temps à autre qu'il se passe des choses graves autour d'eux et lâchent de brefs "putain c'est chaud quand même".


Donc entre deux vannes de segpa qui tombent à plat, on repêche un cadavre.
En terme de mauvais goût, c'est assez magistral, on est sur du niveau de compétition.


Toute l'écriture est à l'avenant, complètement à l'arrache, avec des éléments épars qui ne font jamais corps, des péripéties artificielles, un récit totalement décousu (avec cette impression de personnages qui se téléportent d'un endroit à l'autre, et de séquences qui s'enchaînent sans lien), des personnages inexistants, une amorce d'histoire "d'amour" (et encore l'amour est un trop grand mot), celle de la "friend zone" évoquée plus haut, où le mauvais goût va finir par battre tous les records :


Une caricature de banlieusard et une fille inspide se tournent vaguement autour pendant tout le film, c'est en arrière-plan et tout le monde s'en fout un peu.
L'embryon de récit tente de se développer et durant le climax, un des personnages du film (qui est un réfugié) est apeuré par les gardes-côte (la seule séquence à peu près cinématographique), se jette à la mer et finit noyé. Nos amis font mine d'être triste pendant 5 minutes, et là la caricature de banlieusard et sa copine insipide finissent par s'embrasser avec une musique triomphale.
C'est censé être la séquence émotion forte du film, mais devant un tel degré de n'importe nawak, j'ai failli exploser de rire (je me suis retenu du mieux que je pouvais par égard pour mes voisins dans la salle). J'arrive pas à comprendre qu'on puisse à ce point être à côté de la plaque.


L'histoire d'amour en bois d'acajou, on s'en bat les reins, y a un type qui vient de mourir comme une merde 5 minutes plus tôt, qu'est-ce que ça vient faire là, sérieusement ?


C'est une succession de choix qui n'ont aucun sens, complétement déconnectés du réel.
Même lorsque le réalisateur parle de son film, il utilise beaucoup d'éléments de langage "oui c'est un film sur l'identité, chacun recherche son identité blablabla", "il y a toute une symbolique (lourdingue) sur le rapport à la mer, et à la MERE, avec un e à la fin !" (En fait on film en contre-plongée une fille dans la flotte avec un monologue en voix-off en langue grecque et ON SE SENT AUTEUR).


Mais non, en réalité c'est juste "Le ciel, les oiseaux et ta mère" avec 20 ans de retard, avec des personnages complètement enfermés dans leur caricature. Ce qui est assez impardonnable, parce que sous couvert d'apologie de la diversité, on se retrouve avec un film qui ridiculise la banlieue en se roulant dans la fange des stéréotypes ringards. Au contraire dans un film comme "La Haine" par exemple, les personnages ne sont pas des caricatures, ce sont de véritables humains complexes et touchants, et pour lesquels on peut avoir de l'empathie. Ici, quedale. (Note personnelle : quand un film très mauvais est tourné dans un cadre exotique, je me demande toujours si le film n'était pas un prétexte pour passer de super vacances).


Une autre chose qui m'a bien fait rigoler c'est que le réalisateur a évoqué "les accidents de tournage", ces imprévus, ces "moments de grâce" qui finissent par enrichir le métrage.
Il évoque notamment le personnage du réfugié qui joue de la clarinette au milieu de la pampa, en expliquant que l'idée venait de l'acteur qui lui-même était réfugié, et se trimballait toujours avec une clarinette. Il a trouvé l'idée cool, a décidé de l'insérer dans le film, parce qu'en plus ça donnait un côté un peu "mythologique".


Et donc ? Dans quel but ? Quel est le propos ?


La question restera sans réponse.


Je vais conclure cette chronique laborieuse et bordélique par quelque chose qui ne se fait pas du tout sur le site : parler des senscritiqueurs.
Critiquer les films, les réalisateurs, les acteurs, y a aucun souci (même leur chier dessus, ça passe easy), mais critiquer les senscritiqueurs, là on rentre dans un domaine beaucoup plus "touchy".


Donc par acquis de conscience, ce qui va suivre sera inséré dans la balise spoiler, et ceux qui décident de lire ne seront pas pris au dépourvu :


Bon je déconne, je sais que j'ai un peu abusé par le passé à me moquer "gentiment" des débats de senscritiqueurs lors d'une cinexperience, donc je ne vais pas m'y remettre, surtout que c'est facile et gratuit.
Mais bon j'avoue avoir été un peu déçu des interventions des senscritiqueurs après le film, tous ultra positifs, et pas du tout critiques (même si je peux comprendre qu'il est difficile de s'attaquer à l'équipe du film qui est face à soi).
Personnellement je me suis vraiment tâté parce que je bouillonnais intérieurement tellement j'avais été exaspéré par ce que je venais de voir, mais trop compliqué de réagir à chaud en fait.
Même là avec un recul de 2 jours, j'ai encore du mal à mettre les idées en place pour expliquer tout ce qui m'a profondément dérangé dans ce film (même s'il est anecdotique et qu'il faut pas non plus en faire des caisses).
C'est pour ça que les réactions à chaud ne donnent généralement pas grand chose d'intéressant.
Deux interventions m'ont néanmoins fait marrer :
- Senscritiqueuse : Vous savez, j'ai pris des notes pendant votre film, et je trouve cela étonnant que dans la salle, les gens aient du mal à retenir le nom de ce personnage, car d'après mes comptes c'est le personnage dont le nom a été prononcé le plus de fois au cours du film !
(Le réalisateur répond par un sourire complice en mode "héhé en voilà une qui a bien compris mes intentions de réalisation !")
- Senscritiqueur : J'ai adoré votre film ! Alors il y a 5 scènes que je trouve formidables ! Et notamment la 5ème scène, elle est super belle, même si j'ai rien compris, pouvez-vous nous l'expliquer ?


Merci, c'est tout pour moi !

KingRabbit
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le 13 mars 2019

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