May December
6.5
May December

Film de Todd Haynes (2023)

Au vu de ses films précédents, ce nouveau film adopte un ton bien plus cynique et moqueur que les précédents, et n’a aucune tendresse pour ses personnages. Un mélange étonnant et peu aimable, mais qui, grâce à l’œil extrêmement juste du cinéaste, fait plutôt mouche.
Au centre de ce jeu malsain, il y a évidemment un casting sans fausses notes à la tête duquel brillent Julianne Moore, Natalie Portman et Charles Melton.
Les deux femmes sont progressivement aussi fascinées l'une de l'autre. D’abord bien distinctes, de par leur look et leurs attitudes, les deux femmes finissent par se ressembler...
Le changement s’opère parfois avec subtilité, et parfois, au contraire, avec épaisseur et même vulgarité, laissant entrevoir la vacuité de cette tentative d’imitation d’un personnage déjà intrinsèquement faux. D’ailleurs, en opposition au personnage de Charles Melton (le seul réellement sincère et touchant), Elizabeth et Gracie sont toutes les deux des incarnations d’hypocrisie et de sournoise manipulation. Plus l’histoire avance et plus Elizabeth s’enfonce dans le plaisir d’être odieuse, prenant l’excuse de son travail d’actrice comme un passeport d’immunité pour agir comme bon lui semble, même s’il s’agit de vamper des étudiants ou de séduire le compagnon d’une autre.
Todd Haynes filme avec intensité et parfois même avec poésie des séquences essentiellement malaisantes et dérangeantes, mais avec sobriété des scènes révélant le véritable mal-être du personnage de Charles Melton. Si le film interroge dans sa manière de condamner sans vergogne des personnages féminins pour des actes le plus souvent commis en toute impunité par des hommes au sein de la société, son cynisme et son étrangeté permettent de prendre le recul nécessaire sur la situation improbable qu’il décrit.
Connues pour leur talent, Julianne Moore et Natalie Portman ont ici l’occasion de se moquer du zèle qui a peut-être été le leur : le method acting qui autorise à vivre à travers leur personnage, quitte à américaniser le film à outrance.
La surintellectualisation de la mise en scène se retrouve dépossédée de toute sincérité ou de spontanéité, une sacralisation de l'oeuvre cinématographique qui n'atteint pourtant pas le chef-d'œuvre.
La conclusion du film achève de fustiger le manque de sincérité d’un cinéma nombriliste et d’un art trop idéalisé. Insatisfaisante parce que terriblement moqueuse, et aussi drôle que désespérante, cette fin est l'auto-critique ultime d’un cinéaste et de deux comédiennes qui apprennent au spectateur à ne pas trop les prendre au sérieux, si talentueux soient-ils.
Todd Haynes ne déçoit pas avec cette nouvelle perle aussi cynique qu'intelligente, mais quel étrange exercice...

Radiohead
7
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le 25 janv. 2024

Critique lue 32 fois

4 j'aime

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