On s’attend à une histoire de gangsters, quand on voit un titre pareil. Un thriller sombre, avec des rebondissements à ressort, et qui vous laisse baba, du polar, du vrai ; on est vite recadré, je vous rassure. Max est flic, et il est obsédé par le flagrant délit. Max, il se prend pour Maigret, et il tend un piège.  Il élabore un plan aussi machiavélique que grossier, avec la complicité de sa hiérarchie, qui ferme les yeux. Ce n’est pas un super flic, ou un franc tireur, plus un justicier solitaire, qui manipule tout le monde froidement. Et justement, ces gens, les ferrailleurs, je ne les trouve pas du tout à la hauteur. Une bande de petits voyous qui vivent dans un terrain vague, des gamins qui se chamaillent, et volent uniquement quand ils ont besoin d’argent. Pas très intéressants comme alter ego. Pire, Sautet nous les montre sous l’angle comique. Bernard Fresson, le chef de la bande le dit lui-même : « De vrais mômes. Ils se sont mis en tête de braquer une pharmacie… » Ça n’aide pas à les prendre au sérieux. On voit clairement que braquer une banque, ils ne seront pas à la hauteur. Pourquoi ils le font alors ? Un gang ça ? Des pieds nickelés, des losers, qui vont se laisser faire, sans même comprendre ce qui leur arrive ; et c’est sans contexte, le point faible du film.


   Et Romy, que l’on verra plus tard, en pute, rencontre Piccoli, le flic, ça c’est le point fort. On dirait même que le film a été fait exprès pour ça. Permettre à deux acteurs fétiches du cinéma français de se donner la réplique dans des rôles à contre-emploi. Lui, tout droit sorti d’un film noir à la Melville, pardessus et chapeau mou, un brin mystérieux, des méthodes de voyou. Elle en fille des rues, bête et amoureuse. Notre film policier n’est-t’il pas une petite romance déguisée en film policier ?


    Et puis les scènes de groupes, c’est pas qu’elles soient banales, mais moins intéressantes d’habitude, elles sont filmées banales, on n’apprend pas grand-chose. Filmer des paumés, ça change de la classe moyenne, établie, embourgeoisée, qu’il dépeint si bien, avec cet art du portrait qui fait le charme de son cinéma. Le polar que l’on voyait pointer le bout de son nez, laisse place très vite au film populaire, linéaire, et sans bouleversement, qui conduit à une fin des plus logique. Les ferrailleurs se font avoir comme prévu. Certains moments sont limites pas crédibles du tout, et ça dès le début. Un ex juge qui décide de devenir policier par dépit, il faut avoir beaucoup d’imagination pour y croire, quand même ! Et le final, Max/Piccoli qui fait un truc que personne n’a prévu( ?) La fin est incroyable ou ratée. Une scène complètement folle, qui fait douter de la crédibilité du film lui-même. Certes, on sentait bien que Max était obsédé, voire pervers, mais pas fou à lier quand même !


   Alors on s’accroche à ce qu’on peut. Les scènes intimistes entre Lili et Max. Le jeu du chat et de la souris, entre deux acteurs qui se connaissent trop bien. Lequel va démasquer l’autre ? Max le menteur va-t-il se faire démasquer par Lili la prostituée, la femme du chef de gang ? Mais ça reste sage. Le reste, c’est un mélange entre le pas bon, et le subtil de convenance. La gentille pute qui accepte de se sacrifier par amour...cliché. Les ferrailleurs, petits casseurs…inoffensifs. Max, le flic, est le seul qui a quelque chose à nous dire, le seul qui est motivé par quelque chose, (le flagrant délit ! le flagrant délit !), c’est peu, mais c’est déjà ça. Sauf qu’il en reste rigide comme un tronc d’arbre ; c’est comme si on n’avait pas besoin de lui donner du poids plus que ça, d’en savoir plus sur lui, à part sa détermination maniaque. Il n’existe que par sa fonction, n’a pas de famille, pas d’ami, son argent, (Il vit assez bien, pour un petit fonctionnaire), tombe du ciel. C’est trop ouvert, et pas assez « noir », pour être polar.


   La vraie rencontre, le vrai film, il est entre Piccoli et Schneider à contre-emploi, qui s’en sortent comme les acteurs de métier qu’ils sont. Le flic tombera t’il amoureux de la prostituée ? Au risque de compromettre son plan, faire tomber les ferrailleurs ? En même temps il est tellement intelligent, Max qu’on sait clairement que les méchants ne seront pas à la hauteur, pas du tout. La preuve, il réussit son coup, presqu’à la perfection.

Angie_Eklespri
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le 15 déc. 2015

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Angie_Eklespri

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