Matthew's Laws
Matthew's Laws

Documentaire de Marc Schmidt (2012)

Matthew's Law est un documentaire difficile à trouver.


Je ne crois plus qu'il soit possible de se le procurer maintenant. Le site qui est en charge de sa vente est récemment passé à l'anglais, mais le film n'y est maintenant plus catalogué. Dommage, parce que c'est une grande leçon. C'est pourquoi je vais dépeindre ici mon ressenti du même temps que les éléments les plus importants du film.


Ce film mérite 10, non pas parce qu'il est parfait, mais pour ce qu'il apporte en vérités et en émotions. Vous êtes prévenus. Très peu de films ont autant de profondeur et d'importance.


Il nous rappelle à quel point l'humain peut être profond, même aujourd'hui.


Marc Schmidt est un journaliste, réalisateur, cameraman et joue un rôle important au sein même du film. Il filmera Matthew, qui est quant à lui l'objet du film, mais aussi le prisme par lequel on entre-aperçoit l'autisme, entre beauté et cruauté.


Ce qui fait que ce film est différent des autres tient en la relation qu'entretiennent Marc et Matthew. Ces derniers ce connaissaient très bien étant jeunes, à l'école, puis se sont perdus de vue.
Leurs retrouvailles est l'occasion de renouer les liens qui les unissaient jadis. Il y a une réelle complicité entre eux, une réelle confiance. Ce lien de confiance donne une réelle beauté au film : rien est joué entre les deux personnages.
C'est aussi cette confiance qui permet au film d'exister.
En effet, la maladie de Matthew rend impossible à quiconque de pouvoir s'approcher autant de sa personne, violente, déréglée, effrayante. Il faut le dire, pour quiconque venant de l'extérieur, Matthew est quelqu'un à éviter à moins que vous ne cherchiez à perdre quelques membres. C'est son apparence, ce qu'il reflète, mais également une partie toute entière de sa personne : impropre et violente.


Les deux protagonistes ont conclu un accord : Marc n'interviendra dans le court de la vie de Matthew que dans de rares occasions. Les premières concernent le film : Marc viendra lui poser quelques questions et l'observera, le temps du tournage. Les secondes, lorsque Matthew dépassera les bornes et refusera et/ou sabotera son traitement.


Partant de là, Marc va suivre le quotidien de Matthew. On y verra une personne seule, qui ira jusqu'à rejeter les personnes qui représentent les institutions sensées l'aider. Qui subira jusqu'à la fin le regard des autres, qui ne le comprendront jamais et qui attiseront sa colère.
On ira jusqu'à entrer dans sa tête, on y découvrira une personne riche - d'esprit seulement - ayant une conscience aiguë de sa personne. Une personne qui se pose nombre de questions existentielles et passe son temps à y trouver des réponses, qui se trouvent être confondantes de cohérence, venant d'un fou.
On y verra également un génie, qui dans ce qui nous semble être le chaos le plus total de son appartement, a créé un univers où tout a sa place. Marc y a tourné des scènes prenantes qui transforment le spectateur, qui glisse lentement du dégoût du désordre à la compréhension et à l'acceptation de cet univers inconnu.


L'intérieur de cet appartement nous semble chaotique et désordonné. On finit par comprendre que Matthew ressent la même chose vis à vis de l'extérieur. Les règles qui y sont édictées sont respectivement incompréhensibles pour l'une et l'autre des parties.
Seulement, cet appartement n'appartenant pas à Matthew, l'extérieur que sont le bailleur et les services sociaux feront souvent intrusion dans son monde, où pour des raisons de sécurité évidente, on ne pourra plus le laisser faire n'importe quoi, malgré ses projets de plomberie.


On découvre au travers des entretiens la logique de Matthew, la profondeur de ses pensées, sa perception de l'extérieur. On découvre la dureté du monde extérieur à son encontre, qui par manque de moyens, ne semble pas en mesure de faire davantage pour lui.
Il ne demande qu'à ce qu'on le laisse tranquille, ce qui est impossible - à moins de le laisser vivre dans les bois, peut-être - car il doit tout son monde à la société qui l'entoure. Les deux doivent composer ensemble, sans avoir à aucun moment les moyens de se comprendre.


Sauf au travers de la caméra, où lorsque l'on prend le temps d'entendre, l'on finit par comprendre. Et c'est là la tour de force de ce film : il permet aux deux univers de ne faire plus qu'un. Ce film montre ce qu'il y a de plus évident. Lorsque l'on a affaire à la pathologie de Matthew, on ne peut lui demander de se conformer aux normes. C'est aux normes de s'adapter à lui. Si l'on veut qu'il vive, pleinement, il faut que ce soit l’extérieur qui s'adapte et lui aménage suffisamment d'espace pour qu'il puisse s'épanouir dans son monde. Il faut de la patience, de la compréhension, de la compassion.


Or ces qualités manquent à notre monde, y compris aux Pays Bas, où les institutions et moyens ne sont pas suffisants. Grossièrement, on a laissé Matthew dans son appartement avec son traitement. On l'a menacé lorsqu’il a commencé ses bêtises. Sans plus chercher à comprendre ses motivations.
La confrontation est arrivée ensuite, son monde devait absolument ne pas empiéter sur l'extérieur. Les menaces ont alors pris corps.


On l'a expulsé.
Et la conclusion arrive, celle qui s’abat lorsque l'on arrache une personne à son monde, inévitable et brutale.


C'est sur ce point, à ce moment, que l'on est heureux d'avoir eu la chance de connaitre Matthew, que l'on est triste de savoir que l'étincelle qui animait son regard lorsqu'il philosophait tranquillement sur sa place en ce monde - et que justement montre très bien la caméra - ne s'allumera plus jamais, et que le film prend fin.


Matthew's Law est un film d'une beauté pure, captée dans le réel d'une situation désarmante. C'est cette même beauté qui habite Matthew et qui est parfaitement rendue.
Ce film nous fait prendre conscience de la dureté de notre monde pour ceux qui ne peuvent l'appréhender, et les chances que nous manquons à ne pas apprendre de ces personnes.
Marc film avec autant de tendresse et de douceur que ce qu'il lui faut pour pouvoir être accepté de Matthew.


Un film touchant et marquant.

AlexandreMonnot
10
Écrit par

Créée

le 8 sept. 2016

Critique lue 138 fois

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