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J'annonce : contre-pied latéral en pleine face

Un film qui Wachoké

J'aime le cinéma des Wachowskis et sûrement derrière lui, leurs idées, voire leurs idéaux.
Non contentes de proposer une réalisation de grande qualité, inventive et spectaculaire, elles invitent le public à se questionner, à ne pas être un spectateur purement passif. Un film des Wachowskis ne laisse pas indifférent. Leur filmographie forme une œuvre relativement cohérente et riche de sens. Pour une analyse sur la forme et sur le fond, voir l'excellente série de vidéos « Pourquoi j'ai raison et vous avez tort ? » de Durendal qui leur est dédiée.

L'interprétation étant au cœur de leur cinéma et en particulier dans l'univers de Matrix, donner mon avis sans rien révéler du film est une acrobatie que je n'essaierai pas d'effectuer ici.
Par contre, je vais commencer par répondre à la question qui donne généralement l'intérêt d'un avis sans spoiler : « Est-ce un film à voir ? Et notamment au cinéma ? » Ce qui m'en a immédiatement donné l'envie, c'est la bande-annonce, la première sortie, celle sur le morceau White Rabbit. Millimétrée dans son rythme, mystérieuse et évocatrice, bref, ça sentait bon, des ingrédients retrouvés, de nouveaux qui semblent s'ajouter. J'avais pas attendu un film et eu envie d'aller au cinéma depuis belle lurette. Face à de telles attentes, on peut vite déchanter et... ça n'a pas été mon cas.

Un film à voir ? Oui, évidemment, ne serait-ce que pour participer aux discussions qui ont lieu autour. Au cas où ça ne serait pas une évidence, avoir vu les 3 premiers est indispensable. Au passage vu qu'ils sont sortis il y a une vingtaine d'années, c'est clairement le genre de films intéressants à revoir. Car s'ils n'ont pas changé, nous si et vu leur profondeur, il y a matière à un autre regard voire une autre interprétation. Un revisionnage se justifie d'autant plus qu'ils étaient d'une telle exigence technique qu'ils ont vraiment bien vieilli.

D'ailleurs, avec ce 4ème opus, on est clairement loin de la claque du premier. Attention, ça reste tout de même d'une grande qualité et vaut le coût d'être vu en salle sur le plan du son comme de l'image. Alors pourquoi le film n'est pas une nouvelle révolution technique ? Est-ce parce que Lana Wachowski est sans sa soeur Lilly ? Parce que sa réalisation a évolué ? Parce que ça ne fait pas partie de ses intentions ? Peut-être un peu tout ça à la fois.

Si vous allez le voir en salle, vous pourrez en outre goûter à la farce de devoir scanner le code du pass sanitaire. [Farce qui s'est prolongée pour moi lorsque la machine ne parvenait pas à lire le code barre de la place. La tentation étant trop forte, j'ai regardé l'agent en face de moi et ai lâché un facile « Un bug dans la matrice ?...». Un bide.]

Retour au film, en partant maintenant du principe que qui me lit l'aura vu, et en revenant sur ses grandes lignes et son découpage.

Méta veste en cuir

La première partie m'a particulièrement plu, pour sa capacité à amener un côté méta dans le film de manière très cohérente et intelligente. Le paroxysme étant pour moi atteint dans le questionnement « dans la réalité de ce film, la trilogie originale est-elle une fiction que Thomas s'est inventée à lui-même ? ».
Question suffisamment forte pour laisser place au doute même une fois le film terminé. Car si on peut lire les choix de Thomas Anderson de prendre la pilule rouge comme la libération et la sortie de la matrice, ne peut-on pas aussi maintenant le considérer à l'inverse comme une fuite de sa réalité et le passage dans son monde purement fictionnel ? Au fond, qu'est-ce qui nous dit, à la fin de ce 4ème film, que la réalité n'est pas que Thomas Anderson est un concepteur artiste génial mais qui a totalement (re)sombré dans la folie ?
En plus de ce retournement de cerveau là, il y a le méta sur la conception du film lui-même. Thomas et son studio de jeux vidéo étant confrontés à la tâche imposée par la Warner (sic) de pondre un quatrième épisode, le brainstorm sur son contenu est l'occasion de discuter contenu et interprétations de la trilogie originale, attentes du public et état de l'industrie. Inclure ces sujets dans le film sans pour autant nous en sortir est un véritable numéro d'équilibriste. Par ailleurs, le contenu du propos me semble aussi intéressant que la manière dont il est amené.
En résumé, cette première partie est un contrepied de ce à quoi nous a habitués l'industrie : de la nostalgie pour de la nostalgie (coucou Star Wars 7,8,9) et à présent du méta pour du méta (coucou Spider-Man No Way Home ?). <-- Ce point d'interrogiation parce que je n'ai pas vu le dernier Spider-Man, mais je crois comprendre qu'il ne propose pas grand chose d'autre que du divertissement et de mettre à l'écran ensemble plusieurs acteurs qui ont incarné des variantes du même personnage. Ici, à l'inverse, le film pallie avec brio l'absence de certains acteurs en proposant d'autres incarnations pour leurs personnages et en le justifiant dans son récit, en particulier pour Morpheus. Je n'irai pas plus loin sur ce match, à part peut-être pour faire le malin et le provocateur en ajoutant que si Matrix n'est certes pas un bon Spider-Man, Spider-Man est vraiment un très mauvais Matrix.

Rereloaded

La deuxième partie débute après que Thomas absorbe une nouvelle fois la pilule rouge pour redevenir Neo et revenir au monde réel (à moins qu'il ne le fuie ?). Sion a laissé place à Io, des machines se sont alliées aux humains, Niobé est aux fraises. Bref, on découvre avec Neo l'évolution du monde des machines. On en vient vite à la première tentative de Neo pour aller retrouver Trinity, amnésiée en Tiffany dans la matrice. Le passage par la scène de combat avec les exilés puis le Smith nouvelle version est peut-être celui qui m'a le moins convaincu du film. Si les dialogues durant cette scène ne sont pas sans intérêt (Merv inclus), côté baston, la chorégraphie et la réalisation m'ont semblé les moins réussies de la tétralogie. La scène qui suit est déjà plus intéressante en terme de réalisation avec Neo qui se retrouve face à l'analyste, réel antagoniste du film. À l’enivrement de l'utilisation du bullet time par Neo dans le premier Matrix répond la frustration de voir notre ex-surhomme rendu impuissant par ce même pouvoir.
Sorti de la matrice, la clique rencontre Kujaku/Sati avec qui assez (trop ?) vite, un nouveau plan se dessine et s’exécute à la fois pour aller libérer Trinity, dans les deux mondes. Si l'enjeu pour Neo est clair, celui pour ses nouveaux camarades l'est un peu moins. À froid, j'interprète que l'intérêt pour Niobe et Io dans le sauvetage de Trinity est de pouvoir reprendre le contrôle sur la matrice et d'aller vers un équilibre tant entre humains et machines qu'entre monde réel et matrice.

L'amour est un oiseau rebelle

On arrive enfin au troisième et dernier acte du film : les retrouvailles entre Neo et Trinity.
Après un ventre mou en terme de rythme dans la deuxième partie, la tension et qualité de la mise en scène grandissent. Neo et Trinity se retrouvent dans un café, entourés de l'analyste et de son armée de bots mais aussi de leurs acolytes. Les rôles s'inversent par rapport au premier épisode et le choix, c'est cette fois à Trinity qu'il revient. À son tour, elle se réveille et avec elle, le pouvoir qui résulte de leur amour. La scène est assez réussie et efficace émotionnellement, assez pour penser que ce 4ème film est d'abord un film d'amour avant d'être un film d'action, à moins qu'il ne cherche à transcender là aussi cette binarité.
Le combat final s'engage entre les deux camps, Smith rejoignant celui de la liberté et donc de Neo et Trinity. Là encore, scénaristiquement, ce retournement de situation est cohérent, dans le même temps, il n'était pas évident à voir venir. L'idée du Bypass avec Buggs me semble aussi bien inspiré, y compris dans la réalisation. Suit la scène de fuite à moto, avec Trinity aux commandes bien sûr, et à nouveau une bonne idée : les bots qui se transforment en bombe en se kamikazant d'immeubles. On flirte avec le film de zombies. Pour se défendre et tout le long de la scène, Neo spamme le bouclier, un peu moins inspiré, mais aussi une manière de descendre Neo du piédestal ? La conclusion de la fuite le laisse penser, le couple héroïque sautant dans le vide pour finalement s'envoler, désormais porté par Trinity. Une (r)évolution qui répond intimement à celle des Wachowskis et qui en appelle une autre dans la société ?
La dernière scène du film, à la fois ouverture et conclusion, le termine sur le registre méta dans ce sens et anticipe par avance les critiques qui seront faites au film.

The sheeple aren’t going anywhere.
They like my world. They don’t want this sentimentality.
They don’t want freedom or empowerment.
They want to be controlled.
They crave the comfort of certainty.

Et quand on lit les réactions, on peut constater qu'en effet une partie du public rejette le film, notamment par nostalgie, car ne ressemblant pas suffisamment aux précédents, voire n'étant pas suffisamment « dans la philosophie Matrix ».

Et c'est quand même étonnant que le public soit plus à même de caractériser cette philosophie que Lana Wachowski, non ? Une large part des déceptions me semble reposer sur ce mode du « je ne retrouve pas ce que j'aimais ». De mon côté, c'est justement un des aspects du film qui me plaît, il prend le parti de l'évolution, du changement et de la rébellion face à celui omniprésent du conservatisme, de la nostalgie et de la conformité. Comme ses prédécesseurs, c'est un objet politique qui dialogue avec son époque.

Shuodan
8
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Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les meilleurs films de science-fiction, Les meilleurs films des Wachowski et Les meilleurs films de 2021

Créée

le 7 juin 2023

Modifiée

le 7 juin 2023

Critique lue 75 fois

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Shuodan

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