Cinéaste à la retraite, notre protagoniste revient à Séoul, la ville de ses débuts, de ses premiers amours, pour revoir de vieux amis. Le temps des réconciliations, des retrouvailles, des vieilles rancœurs. Reconnu, admiré ou délaissé, il ne passe pas inaperçu ici, dans son quartier. Et pourtant, il se sent comme perdu. Il se sait marcher sur des ruines. Peut-être espère t il une reconstruction ? Ou, pouvoir édifier quelque chose sur ces vieux soubassements ? Il se revoit, rejoue les mêmes scènes envers et contre lui, comme un nouvel essai, espérant repartir là où il avait laissé sa vie. La mélodie d'un cadre, des situations identiques, il sait pourtant que jamais rien ne sera plus comme avant. Il s'empêtre avec lui-même, ses façons de faire qui le ramènent toujours aux mêmes dénouements, à répéter des conduites, des échecs. Un éternel recommencement. Quel est donc cet inconscient qui nous entraîne vers la répétition, à rejouer les mêmes scènes tout au long de notre vie ? N'apprenons nous rien de nos erreurs ? Qu'est ce qui nous pousse à refaire ce qui nous a fait, ce que l'on sait qui nous fera souffrir ?

Des rencontres, des hasards, l'ironie du sort. Hasards innombrables et inéligibles sur lesquels se raccrochent des petits bouts de raisons : et nous concoctons une explication. Car il en faut une. Comment notre entendement raisonnable peut il concevoir un illogisme aussi vertigineux que de se savoir sous l'emprise d'un hasard indifférent à son sort ? Comment, évidemment ne pas chercher une logique, un fil conducteur qui nous ramènerait à notre raison ? Si cela se produit, il y a bien une raison ? Une volonté qui guide mon intuition ? Non, le hasard régit toute chose que nous vivons. Pour éloigner cette vertigineuse réalité nous nous contraignons inlassablement à tourner en rond, pour reproduire enfin de compte ce que nous connaissons, pour éloigner ce hasard qui fait peur à notre raison.

Impossible de ne pas faire le rapprochement avec Marguerite Duras et son livre « les yeux bleus cheveux noirs ». Un cinéaste qui tente de planter un décors, dont l'inventaire se perd dans la répétition, et un couple séparé ensemble dans ce cadre à répéter sans cesse les mêmes gestes, à s'échanger les mêmes paroles, en évitant de se toucher pour ne pas se blesser, quand le hasard d'une rencontre devient un piège au passé.

Mais là où nous nous trompons, c'est que même dans la répétition, le hasard est toujours là, nous guète à chaque coin de rue. Phénomène que Hong Sangsoo nous rappelle en toile de fond, avec cette admirable métaphore : une femme, grande admiratrice de ses débuts, que notre protagoniste connaît à peine et ne cesse de croiser dans la rue, à chaque coin.
Knutcha
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le 19 mai 2012

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