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Troisième film de Kinuyo Tanaka où elle embrasse complètement et sans ambages un portrait féminin féministe pour la première fois.


Vous allez me dire (pour celles et ceux qui ont vu les œuvres précédentes de la réalisatrice !) qu'il y avait de cela dans Lettre d'amour (pour rappel, son baptême du feu derrière la caméra !). Ce n'est pas faux. Mais, déjà, dans Lettre d'amour, l'intrigue se concentrait nettement plus sur le point de vue d'un homme. Ensuite, le personnage principal du "sexe faible" y était désolé. Ce qui n'est pas le cas ici.


Dans 乳房よ永遠なれ (ou si on prend le titre en anglais, voulant dire la même chose, The Eternal Breasts ; j'évite de faire des commentaires sur celui débile et macho en français, à côté de la plaque, car résumant juste la protagoniste à sa fonction de mère de famille !), la poétesse dont on suit la courte existence (inspirée de celle de Fumiko Nakajō !) n'est pas désolée.


Après avoir fait ce que la société attendait d'elle, c'est-à-dire se marier (à un blaireau infidèle ayant au moins le mérite d'être conscient d'en être un et d'être en couple avec une femme trop bien pour lui !), avoir des enfants, vivre en être soi-disant inférieur soumis, s'être mise en mode réprouvée après avoir divorcé, notre héroïne n'est pas désolée de comprendre qu'elle se doit de devenir ce qu'elle est ; qui est aussi ce qu'elle veut être.


La seule chose dont elle soit désolée, c'est qu'un fichu cancer lui laisse peu de temps pour accomplir tout cela. Dans le même temps, cette date butoir menaçante l'encourage à vivre avec intensité, avec passion, à faire ce qu'elle souhaite quand elle le souhaite, y compris assouvir le véritable désir physique. Quitte à vivre peu, autant vivre beaucoup.


À la suite de deux opus réussis, mais plutôt sages, Kinuyo Tanaka sort d'un coup l'artillerie lourde et flanque une volée émancipatrice en plein dans la gueule. C'est d'une franchise et d'une modernité absolument étourdissantes. Elle s'assume totalement, comme si cette œuvre était celle qu'elle avait voulue réaliser depuis toujours (peut-être parce que cette fois-ci l'idée vient d'elle et non pas d'un Ozu ou d'un Kinoshita !).


L'air de rien, sans sortir les violons mélodramatiques, la cinéaste trousse, au cours de la première moitié, en enfilant les personnages secondaires et les petites scènes de la vie quotidienne, l'esquisse de quelqu'un dont on comprend qu'il couve, sous des apparences extérieures a priori conventionnelles, une personnalité forte en mettant cette dernière face à des circonstances dramatiques ou tragiques.


Cette retenue rend la suite plus puissante. Cet aspect annonciateur insuffle à cette même suite une belle vérité psychologique. Le contraste entre les deux parties, se complétant admirablement pour les raisons susmentionnées, achève de parvenir à donner un tout plus percutant.


Une leçon de cinéma ? Ouais ! Une leçon de vie ? Oh oui…

Plume231
8
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le 25 avr. 2022

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Plume231

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