Martyrs
3.6
Martyrs

Film de Kevin Goetz et Michael Goetz (2015)

"On aurait jamais dû en faire un remake... Et on l'a complètement foiré" !

Mais quelle idée à piqué la société Blumhouse de vouloir faire un remake d'un film aussi violent et éprouvant psychologiquement que le Martyrs de Pascal Laugier, sachant que les USA ne sont vraiment pas habitués à une vision aussi radicale ?

Mais bien pire que cette question ; quelle idée les a poussés à concevoir cette nouvelle vision comme un simple film d'horreur qui serait acceptable par le plus grand public, ados en tête !?

Car oui ; non seulement Hollywood, lorsqu'il s'agit de réappropriation, préférera lever le pied sur la violence et le dérangeant, mais en plus n'ira que trop rarement chercher plus loin que la simple forme, passant outre le fond ou bien ne le comprenant même pas (remake de Rec ou A l'intérieur aussi) ; nous sommes ici dans le pur cliché de producteur (Jason Blum avouera qu'il n'aurait pas dû le faire et qu'ils ont foiré en beauté), ne voyant que le succès qu'il a eu dans son pays et voulant reproduire la réussite, voir le statut de culte.

Encore faut-il comprendre les intentions de l'original ; en édulcorant le plus possible la violence, le film devient peu crédible, ne marche plus, mais aussi ne raconte plus grand-chose dans le fond.

Le début commence de la même manière ; la brutalité de l'exécution de la famille en moins, puis s'embourbe dans une écriture et une formalité de film d'horreur mainstream très commercial.

En plus de supprimer la plupart des effets les plus dérangeants (la victime avec le masque de métal visé n'existe plus), les visions violentes de Lucy changent, préférant une créature au look très films de méchants esprits aux dents pointues, très démoniaque, comme c'est la mode depuis les années 2010, ne comprenant sûrement pas trop ce qu'elle représentait vraiment dans le film original.

Le lifting de la violence va encore plus loin dans l'absurde ; la violence est tellement aseptisée que lord d'une scène de bûcher où la peau de la victime ne subit visuellement pas de dommages, elle ne brûle pas et ses vêtements non plus !

Ce genre de production minimise toujours l'impact que peut avoir la violence sur ce que peut raconter un film ; lors de l'incarcération des protagonistes, les coups sont remplacés par des chocs électriques, moins graphiques et moins brutal et ensuite, les tortures ne se passent qu'hors champ, juste des cris lointains et quand on la retrouve , elle n'a l'air de n'avoir que des petites coupures et quelques hématomes ; il y a un réel refus de choquer (qui est une antinomie de l'original) et pour nous impliquer émotionnellement, c'est beaucoup trop léger pour qu'on soit aussi concerné par le sort de la victime qu'on devrait l'être.

Le personnage de Lucy n'a plus vraiment l'air d'avoir subi de traumas ; elle a l'air uniquement animé par un simple désir de vengeance post séquestration et n'a pas l'air si atteinte que ça (le changement des ses visions en un monstre au look démoniaque joue aussi sur notre ressenti) ; elle est physiquement assez peu marquée aussi, dur de croire à ce qu'elle est censée avoir subi, et donc notre empathie pour elle ne se développe pas tant que ça.

De plus, il est bien plus dur de croire que cela suffit à créer un martyre ; pas qu'on se réjouisse d'une violence brutale et réaliste, mais que veut dire le film ici ?

Que la simple torture suffit ?

Où est l'impact alors de toute cette organisation, à quoi servent tant de préparation et de recherches si la méthode est si simple pour potentiellement créer l'objet de leurs désirs et d'investigations !?

Même la scène d'opération (insoutenable pour certaines personnes), où le fait d'écorcher vif entièrement, a été réduite a son minimum possible ; juste une partie du dos, deux trois gros plans sur le scalpel et ensuite : hors-champs, on va voir ailleurs, pour la retrouver après coup habillée d'une chemise d'hôpital, pour cacher non seulement toute blessures (alors que c'est le but de la manœuvre, presque l'obsession, la beauté du martyre pour les membres de la secte), mais aussi pour cacher toute nudité au spectateur, d'ont les films de studios ne sont pas très friands, (alors que bon, si vous aviez osé comme l'avait fait Laugier, certes c'est très graphique, mais les prothèses aurait caché le corps nu), et quand on pense enfin qu'il ne pourront pas enfoncer le clou plus loin dans l'incompréhension du matériau d'origine... Ils la placent sur une croix, comme si c'était un élément de rite essentiel et fait vriller la scène dans la série B la plus totale rendant le tout ridicule ; là ou le réalisateur de l'original a subtilement incorporé la figure religieuse de la crucifixion dans son procédé médical.

Toute subtilité thématique est ici évincée ; on perd tout ce que l'original apportait de philosophique et psychologique !

On ne s'étendra pas sur les jeux d'acteurs/trices pas souvent au niveau, ni de la mise en scène très plate et plutôt mauvaise dés qu'il y a un peu d'action ; mais un des plus gros soucis du film c'est qu'il ne prend pas le temps ; pas le temps d'instaurer une ambiance, pas de tension, pas le temps d'explorer la relation des deux amies à part via des flashbacks et comparé au film Français, le spectateur n'a plus trop le temps de se poser des questions ni de douter sur les évènements et de la véracité des dires de Lucy.

Ne parlons que très peu aussi du personnage d'Anna qui, comme dans tout bon film d'horreur de cet acabit, prend son courage à deux mains, devient une guerrière d'Hollywood et grâce au pouvoir de l'amitié, retourne, alors qu'elle a réussie a s'échapper, dans le lieu de tous les dangers, pour sauver son amie, tuant au passage tous ceux qu'elle croisera (c'est du cinéma, c'est possible), et oui, le spectateur veut une fin acceptable et une grosse scène d'action ou le/la protagoniste passe en mode badass.

Ce remake U.S de Martyrs est un film d'horreur mainstream, mal exécuté, mal écrit et qui ne demandera pas trop de réflexion ; et si vous aimez le gore et la violence corsée, il ne satisfera pas non plus vos désirs.

Créée

le 25 mai 2023

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LeFameuxRuben

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