Alors avant toute chose, si j'aime bien le film de Lustig, je ne lui voue absolument aucun culte donc pas de jeu des 7 différences ici.
En fait je vais filer direct à l'essentiel et ce qui tire complètement le film vers le bas : son dispositif filmique.

Choisir la vue subjective comme outil narratif et esthétique, ça demande de la rigueur et une grosse réflexion en amont tant au niveau de la mise en place du procédé que de l'écriture même du film. Et là paf, on se vautre dans le gros n'importe quoi avec zéro cohérence du début à la fin à un point où on se dit que Khalfoun/Aja/Levasseur devaient se demander quoi foutre avec ça au bout de 10 pages de scénario.
Déjà, faire passer le personnage devant un miroir toutes les 5 minutes est un aveu d'échec évident mais ok, admettons que ce soit pour 'refléter' sa psyché intérieure (et pour montrer la star quand même). Le problème c'est que ça fait partie des 1001 détails qui m'ont totalement fait sortir du film. Techniquement c'est à la ramasse avec aucune finesse dans le placement de la caméra (tellement de biais qu'on se demande forcément comment on peut voir le perso) voire parfois un temps de décalage entre la caméra qui se place et Elijah Wood qui entre dans le champ (le must étant dans les chiottes lors du vernissage de l'expo). Dans la catégorie "j'en ai un peu rien à foutre de ce que je fais", je cite Frank Khalfoun. Allez, on va dire que c'est du chipotage.
Mais le principal problème vient d'autre chose : le montage et l'alternance d'échelle des plans. Pour qu'il y ait un minimum de croyance dans ce que l'on voit, la vue subjective doit fonctionner sur le mode du plan-séquence ou en tout cas du très long plan (de La Dame du Lac à Enter the Void en passant par L'Arche Russe, tous l'avaient bien compris), filmer en continu pour simuler la vision humaine quoi. Dans ce remake, non seulement c'est trop cut et chaque coupe empêche de rentrer dans la peau du personnage pour reprendre à zéro l'identification (alors que c'est aussi l'intérêt du procédé) mais en plus ça devient régulièrement un gros bordel, un plan-large succédant à un gros plan dans la même scène. Je pense notamment à la scène du métro, le point de non-retour du film à ce niveau : Elijah Wood sort du métro, la fille court au loin. Gros plan en longue focale qui tremblote puis retour à un plan large de la future victime s'enfuyant en arrière-plan. Donc soit Elijah Wood a des yeux bioniques (ça me rappelle les propos de mon grand ami Godard au sujet de aversion pour le zoom quand il disait que si la caméra était la prolongation de l'oeil humain, alors le zoom ne devrait pas exister. Jean-Luc, tu as tort, c'est très bien le zoom, mais dans le cas d'une vue subjective, ça me semble effectivement pertinent), soit Khalfoun oublie peu à peu le choix de départ tellement il ne sait plus quoi en faire. Je penche pour la seconde solution étant donné qu'en plus décision est faite au bout d'un moment, sans aucune raison, de sortir du corps de Wood pour le voir en pleine action meurtrière alors que pour la première victime ça n'était pas le cas. Je mets à part les flashbacks mais ça dénote quand même là aussi d'un manque flagrant d'ambition (ce qui me saute le plus à la gueule quand je repense au film).

Alors ouais, on peut s'en foutre complètement, mais quand on fait un choix de ce genre, on l'assume jusqu'au bout. Et étant donné que c'était ce qui m'intriguait le plus dans le remake (ça et le choix du remplaçant de Joe Spinnell), forcément ça déçoit pas mal.
Sorti de ça, j'ai quand même été agréablement surpris par l'ambiance relativement morbide et poisseuse (toutes proportions gardées avec l'original, mais j'avais dit que je ne comparerais pas) et surtout par tout l'aspect sexuel du film qui le met franchement à part dans la prod horrifique américaine moderne en général.

Bwof donc.
JohnFlichty
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le 24 janv. 2014

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JohnFlichty

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