Ça y est les salles de cinéma ouvrent enfin leurs portes ! Et c’est notamment Quentin Dupieux qui lance les festivités avec son nouveau film : Mandibules.


Pour ceux qui ne le connaissent pas, Dupieux est un peu le pendant comique de Gaspar Noé. Là où ce dernier se démarque par des expérimentations visuelles et un goût pour la violence extrême, Quentin Dupieux se veut l’apôtre d’un cinéma décomplexé, jusqu’au-boutiste dans l’absurde. L’un et l’autre sont adulés par certains, détestés par le reste du monde. Ce qui en font des cinéastes passionnants !


On reproche souvent aux films de Dupieux d’être un peu idiots ou basiques. On ne voit pas l’intérêt de regarder les péripéties d’un pneu tueur en série… Et puis alors quand il se met à fracturer les temporalités de son scénario avec Réalité (2015) jusqu’à en perdre totalement le spectateur qui ne sait plus vraiment de quoi parle le film, on crie au foutage de gueule et à la masturbation intellectuelle !


Mais le plus surprenant dans tout cela, c’est que ces détracteurs révoltés ont RAISON. Dupieux c’est l’apologie du non sens, la destruction de toute rationalité, la porte ouverte à l’idiotie la plus saine… La scène d’introduction du film Rubber est justement là pour nous le rappeler.


https://www.youtube.com/watch?v=RaZ0LnkMITw


Avec Mandibules, Dupieux atteint un sommet de fraîcheur et de légèreté. Le film ne raconte finalement rien de plus que ce qu’annonce le pitch : Jean-Gab et Manu, deux amis simples d’esprit, trouvent une mouche géante coincée dans le coffre d’une voiture et se mettent en tête de la dresser pour gagner de l’argent avec. Sur ce scénario d’une linéarité inhabituelle pour le réalisateur, nos deux personnages évoluent doucement mais sûrement, au milieu de paysages aussi magnifiques que déshumanisés. Ce qui est d’ailleurs un point récurrent dans la filmographie du monsieur où l’absence d’êtres humains tend à placer le spectateur dans une réalité hors du temps.


Chaque situation est plus improbable et incohérente que la précédente. Le cinéaste dépouille son film de toute logique pour se concentrer sur ce qui en fait l’essence : deux idiots qui ont un plan. Ces derniers (très bien tenus par le Palmashow, Grégoire Ludig et David Marsais) vont croiser la route de quelques autres personnages, répondant parfaitement, eux aussi, aux codes de l’univers Dupieux : d’apparence normale mais un je ne sais quoi de bizarre…


C’est donc le moment d’aborder la performance d’Adèle Exarchopoulos, tout simplement exceptionnelle dans son rôle de fille de bonne famille qui souffre d’un problème vocal. Si elle a prouvé son talent à de nombreuses reprises, c’est la première fois qu’on la découvre dans un registre comique. Elle réussit le pari haut la main, est hilarante du début à la fin et finit même par voler la vedette à nos deux simplets.


Mandibules est donc une belle réussite, 1h17 de comédie absurde sous le soleil du Sud. Idéal pour entamer un déconfinement.

GabinVissouze
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le 20 mai 2021

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