"Tu donneras au peuple de la Terre un idéal à atteindre."

Man of Steel est un croisement entre l’univers de Christopher Nolan et Zack Snyder, entre le besoin de crédibilité, en encrant le récit dans une réalité semblable à la notre et le style visuel à la fois démesuré et sur-esthétisé de Zack Snyder. La structure du scénario écrit par Christopher Nolan et David S. Goyer est plutôt similaire à celle de Batman Begins, des mêmes auteurs. En effet, le héros, barbu, joue les globe-trotters, dans un cas pour assouvir sa soif de justice, dans l’autre pour être un sauveur. Le cheminement spirituel du héros est entre coupé de flashback et dans le dernier tiers le personnage principal tente de sauver Gotham/la Terre. Le tout abordé avec un ton sérieux où chaque détails liés à la mythologie du héros bénéficie d’une explication visant à crédibiliser l’univers dépeint. Visuellement, on retrouve le spectaculaire démesuré de Zack Snyder, ainsi que des touches de couleurs désaturées, monochromatique et bichromatique. Le réalisateur délaissera pour l’occasion ses fameux ralentis au profit d’une caméra épaule avec un effet "pris sur le vif".


La rencontre de ces deux réalisateurs que tout oppose esthétiquement, fait sens métaphoriquement en la personne de Superman, puisque celui ci représente la passerelle entre deux mondes. Il est autant l’enfant de Krypton, Kal-El, que celui de la Terre, Cark Kent. Superman synthétise ces deux univers, tout comme Man of Steel synthétise l’univers de Christopher Nolan à celui de Zack Snyder. Tout le film s’articule autour du statut d’étranger de Superman qui cherchera sa place dans un monde où ses pouvoirs le rendent différent. Clark Kent/Superman se sent aussi bien étranger du monde d’où il vient, qu’il n’a jamais connu, que celui où il a vécu toute sa vie.


Dès le début, nous découvrons Krypton sous un nouveau jour, avec sa faune et sa flore, avec ses kryptoniens arborant un look chevaleresque rétrofuturiste, à la fois mécanique et organique, technologique et naturaliste. Les kryptoniens par leur volonté de contrôle absolu ont épuisés les ressources naturelles de leur planète natale (et des autres planètes qu’ils ont colonisés), qui se meurt et ont vu leur race décliner à cause de leur société pratiquant l’eugénisme génétique où chaque individu est prédisposé à une tâche bien précise, scientifique, militaire, ouvrier, etc. Jor-El comprenant que Krypton est perdue met au monde un fils naturellement, ce qui n’a plus eu lieu depuis des siècles et décide de l'envoyer vers la Terre. Ils sera ainsi libre de sa destinée, de ce qu’il souhaite devenir, ses pouvoirs exceptionnels dus à l’atmosphère terrestre et aux rayons du soleil lui permettront peut-être de servir de guide aux humains, pour les amener à accomplir des miracles, pour qu’ils ne commettent pas les mêmes erreurs que les kryptoniens. Kal-El emmène ainsi avec lui les rêves de ses parents.


Tout ceci permet de justifier l’attitude jusqu’au-boutiste du Général Zod, kryptonien suivant avec ardeur ce pour quoi il a été programmé, défendre Krypton coûte que coûte. Zod est certes un personnage unidimensionnel, mais cette unidimensionnalité est justifiée par sa conception génétique. Cette vision dogmatique se confrontera à la sagesse de Jor-El, ainsi qu’à un jeune Superman, bénéficiant du libre arbitre, qui aura douté et tâtonné avant de trouver sa voie et tentera d’empêcher Zod d’anéantir l’espèce humaine pour rebâtir une nouvelle Krypton sur Terre. Le dernier tiers permet aussi de souligner une autre différence entre les deux antagonistes. Zod de par sa conception et sa formation militaire s’adapte rapidement à son environnement là où il aura fallu toute une vie à Clark pour dompter ses pouvoirs.


Les flashbacks seront l’occasion d’introspecter l’enfance de Clark et de montrer l’isolement dont il a fait face à cause de sa nature, son métabolisme entraînera une hyper sensibilisation agressive de ses sens. Il sera ensuite question de ses dons où son instinct de sauveur se confrontera à la peur du regard des autres pour ce qui est différent. Son père terrien, Jonathan Kent cherchera constamment à contenir ses pouvoirs, considérant qu’il n’est pas prêt à assumer le regard du monde entier face à sa nature. Jonathan apportera à Clark, au prix d’un ultime sacrifice, un sens des valeurs et surtout de la mesure, là où la conscience de Jor-El lui permettra d’embrasser pleinement son destin messianique. Les premiers pas de Clark en Superman mettent en exergue son caractère irrésolu faisant face à des réactions fougueuses où il peine à contenir ses émotions.


Cette approche du super-héros permet de faire le point sur la mise en scène et l’esthétisme du film qui tranche radicalement avec tous ce que l’on a pu voir de Superman au cinéma. Comme évoqué précédemment, les couleurs du film se veulent désaturées et mono/bichromatiques, l’accent est mis principalement sur la lumière. En effet, il faut attendre de voir le point de vu de Clark sur le monde, lorsqu’il assumera son statut de sauveur en tant que Superman pour que le cadre soit inondé d’une lumière chaleureuse, renforçant ainsi le lien qui unit Superman à sa planète d’adoption. La plupart des scènes sont filmées à échelle humaine, caméra à l’épaule façon "shaky cam", qui trouve ici tout son sens. Renforçant ainsi à la fois le sentiment d’urgence qui émane de la catastrophe en début et fin de film, mais aussi traduit le sentiment de puissance et de vitesse complètement démesuré des kryptoniens à travers une caméra qui peine à maintenir la cadence face à leurs déplacements, ce qui traduit l’incapacité de l’œil humain à mesurer la puissance d’être aux capacités sans commune mesure.


Le film est donc très spectaculaire, peut-être trop généreux dans ses scènes de destruction massive. Le sort réservé à Zod peut sembler radical et entrer en contradiction avec Superman mais il n’avait absolument aucune alternative et n’oublions pas que l’on a affaire à un héros qui se cherche encore et peine à contenir ses émotions. À noter aussi que Superman n'est pas responsable de tous les dégâts occasionnés. Premièrement, le gros des destructions est causé par les terraformers et deuxièmement, lors des confrontations face aux kryptoniens, Superman n’a que très rarement le dessus. On a reproché à Superman de ne sauver personne or on peut le voir sauver des personnes sur une plateforme pétrolière, des militaires à Smallville, Lois et la Terre entière.


Les compositions de Hans Zimmer quant à elles, traduisent à la fois la tonalité introspective du film à travers des mélodies au piano plus intime où des chœurs évoquant les murmures d’une mère cherchant à apaiser son enfant. Le tout prenant de plus en plus d’ampleur à travers un crescendo de rythmiques syncopées et de percussions illustrant la puissance de frappe des kryptoniens et le dépassement de soi, jusqu’à ce que Superman représente le meilleur des deux mondes. Dommage cependant que le mixage sonore soit constamment assourdissant et ne laisse jamais nos oreilles se reposer même lors de scènes plus calmes, ce qui, de ce fait amoindri le contraste entre les scènes les plus intimes et les scènes les plus spectaculaires.

Subtile ou non, cette adaptation a le mérite d’aborder des choses qui n’avaient jamais été évoquées au cinéma sur Superman comme l’eugénisme génétique et de questionner les dogmes et le libre arbitre. Et dans sa suite le film s’intéressera à la perception de l’humanité face à un extra-terrestre aux pouvoirs divins et aux conséquences qu’entraîne les actes d’un personnage dont la puissance est inégalable pour l’Homme.

Teddy_Slamani
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le 4 avr. 2017

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