Acier certes...mais oxydable

Ça y est! Le mastodonte Man of Steel est sorti. Après une brillante campagne promo et des bandes annonces toutes plus orgasmiques les unes que les autres pour les fans de pop-culutre, le messie à cape rouge est finalement de retour sur grand écran, plus de 6 ans après le décevant Superman Returns.

 

Et s'il est indéniable que nous avons ici à faire face à l'Homme d'Acier, il n'est pas pour autant inoxydable... [Attention à certains spoilers mineurs, qui ne gêneront pas les connaisseurs de Superman mais qui gâcheront sans doute le plaisir aux néophytes, dans la suite].

 

...Car le film de Snyder, disons-le de suite, n'est pas la claque annoncée. On ne pourra pas lui trouver de réels défauts handicapants ou marquants mais plutôt une succession de petits détails qui titillent, qui font  nos sourcils se froncer, qui agacent. La construction du film en fash-back en fait partie. Si l'idée est bonne, la pratique ne l'est pas forcément. Une série de mini flash-backs, le plus souvent très rapides, nous présentant le jeune Clark dans des situations qui le poussent à utiliser ou pas (mais le thème est toujours axé là-dessus) ses pouvoirs et qui, par conséquent, l'excluent un peu plus de la communauté humaine dans laquelle il essaie de se faire accepter. On en ressort avec une impression de matraquage et de redite. On a bien compris, après une séquence, que la différence est un fardeau et que son bienveillant père adoptif essaie tant bien que mal de le préserver de cette haine des autres. La succession de souvenirs n'apporte que très peu de nuances à ce postulat évoqué dès le début du film et ne traite finalement jamais en détails la psychologie du héros...promesse qui nous avait pourtant été faite au sein des diverses interviews promos...



Cet aspect psychologique plus ou moins bien traité a une autre conséquence assez fâcheuse. Nous arrivons, avec ceci, à une "darkification" du fils de Krypton. Si pour Bruce Wayne, ce côté sombre et torturé était parfait, il l'est un peu moins pour Kal-El. L'idée d'humaniser Superman n'est pas mauvaise en soi mais lui fait indéniablement perdre son côté omnipotent, son côté majestueux et invulnérable, ce côté rassurant, héroïque, emblématique. Nous avons ici, à n’en point douter, un valeureux guerrier mais  malgré toutes les comparaisons plus ou moins subtiles avec le Christ, son côté sauveur héroïque est clairement moins bien mis en avant que dans le premier film de Richard Donner par exemple.
 

Et ça manque ! Ça manque cruellement. Associés à cela des couleurs relativement ternes (le bleu du costume est très sombre ; les pointes de jaune du « S » emblématique, délavées…), la célèbre amourette kitsch Clark-Loïs presque totalement passée sous silence, une forteresse de solitude plus robotique que cristallisée, on obtient donc un bon film d’action, un bon film de super-héros, un bon film fantastique….mais ce n’est plus totalement Superman…

 

D’autres choses plus bégnines chiffonnent également : on déplorera une mort de Jonathan Kent un peu trop clichée, filmée avec beaucoup de grandiloquence, sans la pudeur touchante du tout premier opus. L’utilisation à outrance du personnage de Jor-El est elle aussi un peu embêtante. Son rôle de mentor, de guide spirituel seulement visible dans la Forteresse de Solitude (découverte bien trop rapidement au passage) par un Superman souvent en proie au doute s’efface tout doucement au profit d’une utilisation « au besoin », un peu comme un pokémon qu’on enverrait au combat au bon moment (le comble de ce syndrome étant une scène entre le père biologique de Kal et Loïs Lane frôlant doucement la frontière du ridicule…). Enfin, pour terminer sur les détails qui filent de l’urticaire : si le thème musical de Zimmer est très bon, son utilisation abusive tout le long des 2h20 de film a de quoi un peu fatiguer.

 

Après un tel pavé, on pourrait penser que le film est réellement mauvais. Mais c’est là que Snyder sait se faire pardonner. Certaines scènes arrivent réellement à rattraper le fan dubitatif et à lui rappeler que « ok on te sert un Superman différent mais on va quand même essayer de le cuisiner correctement ». Ainsi, on se surprend à être parfois touché par certains dialogues qui tombent juste (ce n’est pas toujours le cas) notamment lors de la scène de l’Adieu de Jor-El à son fils juste avant la destruction de Krypton ou encore quelques scènes intéressantes de Kevin Costner.

 

Mais s’il y a bien un point où on reste sur le cul, c’est bel et bien vis-à-vis des scènes d’actions. Snyder nous prouve une nouvelle fois, après le furieux 300 et le trop mésestimé Sucker Punch, qu’il maitrise son sujet ! Clark, Zod et ses sbires sont puissants, sauvages et leurs affrontements prennent des proportions que seules les bastons de nos amis Avengers peuvent espérer atteindre. C’est stylisé (mention spéciale à l’effet spécial des yeux laser qui est très classe), c’est jouissif et on en redemande.

Côté casting, on est aussi agréablement surpris. Henri Cavill, s’il n’égale pas Christopher Reeve, nous fournit une bien belle prestation et nous fait oublier l’erreur Brandon Routh et son balai coincé là où on sait. Kevin Costner nous fait une prestation touchante, Russel Crowe tout en style et Michael Shannon campe un Général Zod déterminé et vengeur intéressant.

 

Pour conclure cette longue critique qui me tenait à cœur tant ce film était attendu et tant on en a parlé après visionnage, je dirai que si on passe un bon moment SF à kiffer chaque mandale donnée (ou reçue…car il morfle pas mal aussi) par le père de tous les héros, il reste malgré tout trop de petites imperfections, de petits détails qui, mis bout à bout, forment une chaine. Une chaine qui retient le film au niveau de « bon divertissement » et le prive définitivement du statut « Culte » que tout le monde espérait. Néanmoins, l’ouverture d’une nouvelle saga a été faite et on ne peut espérer que du meilleur pour la suite…