Malcolm & Marie
6.7
Malcolm & Marie

Film de Sam Levinson (2021)

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Il danse et s’escrime en costume sur un James Brown tanguant ; elle, sublime en robe de soirée, cadrée dans un travelling initial léger et glissant… Va s’asseoir sur les toilettes. Malcolm & Marie, c’est La Princesse au petit pois du pauvre : elle a beau dormir sur des mètres de plumes, il lui reste toujours un truc dur dans le bas du dos.


Sam Levinson s’acharne en effet très vite à couler dans le marbre le décor confiné de son bébé : le noir est granulé, le blanc chromé et grisonnant. Les mouvements sont indolents, la maison somptueuse. C’est si beau que ça sonne faux. Alors très vite la leçon est comprise, le faux paradoxe soulevé. Si ces deux-là sont le triomphe incarné, on va rapidement leur arracher la face.


Et ça ne loupe pas : il danse, savoure sa joie de revenir d’une première réussie. Et elle (première réplique, il faut admirer la douceur programmatique) : « je ne t’entends pas ! ». Tout le film est encapsulé dans ces premiers mots, dans ces premiers plans de parade formelle. Et dans ce procédé d’annonce, le ton faussement caustique et vulgaire d’un petit réalisateur en plein délire de dissection.


Malcolm & Marie se débat avec un plomb dans les ailes : la posture de commentateur sans cesse réaffirmée par les dialogues, par les cadrages, par les décors. Levinson a tourné dans une bulle, au début d’un été covidé avec quelques techniciens, et il n’a pas échappé au soliloque.


Ce qu’il entend montrer – l’implosion soudaine d’un couple construit sur des fondations toxiques – est quadrillé, amoindri, rapetissé par la scansion débilitante de son écriture, qui segmente la dispute en quelques morceaux de monologues.


Tout démarre avec un oubli de remerciement de lui pour elle – aïe. Cela se poursuit avec un échange sur qui a le plus aidé qui, de la toxico en pleine dérive au créateur en panne qui s’en inspire – ouch. Ça dérive sur des lapalissades de couple en crise (ce qu’on est, ce qu’on voudrait être, ce que l’autre sait qu’on n’est pas) – ouille. Le premier KO, autant le dire maintenant, est pour celui ou celle qui regarde.


A l’horizon, pas la moindre notion de réel, ça sonne comme le concours d’éloquence d’une école de commerce, et ça ressemble toujours furieusement à du Cassavetes sous tranquillisant. L’esprit comme pâteux, Levinson s’octroie des pauses musicales entre chaque tirade, histoire de surligner le propos du tout.


Malcolm & Marie est dans ses petits souliers tout du long, tiraillé entre l’envie de faire du vrai et la prétention de faire du classe ; Zendaya et John David Washington sont en perdition, coulent au fil des apothéoses rhétoriques auxquelles ils se prêtent. Leur performance à tous les deux sent la sueur et la frustration de pédaler dans le vide.


Le final n’aura pas tellement d’intérêt, tant le film s’est vidé rapidement de sa substance, répétitif tant visuellement qu’intellectuellement. Le vrai final intervient en réalité en milieu de métrage, quand le personnage de Malcolm reçoit sa première critique. Levinson prend alors très distinctement la parole par l’intermède de son personnage. Une démonstration, sommet de malaise, sur la liberté de l’artiste et pointée contre les très rigoristes interrogations américaines sur le genre et la race, dans le monde de la culture. A ce niveau de pose on décroche pour admirer, la terrible méprise du moineau qui se serait rêvé en aigle royal.


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Pirlito
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le 10 mars 2021

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