Le visionnage de "Majorité Opprimée" m'a laissée légèrement mal à l'aise.
Non pas que le fait de voir un homme dans des situations de "sexisme ordinaire" m'ait vraiment perturbée, homme ou femme au fond peut importe la victime à mes yeux, mais j'hésitais sans cesse entre crier au génie ou aux idées reçues les plus faciles et répandues.
En fait, je crois que j'aurais préféré que le propos du court-métrage se limite uniquement au harcèlement de rue. Parce que hormis quelques passages largement exagérés, la première partie n'est vraiment pas mauvaise. Le meilleur résidant pour moi dans les petits gestes, les détails. Comme lorsque le protagoniste déboutonne sa chemise dans une volonté d'affirmation de soi, ou encore la scène de la crèche. Même elle m'a fait sourire, je trouvais que les choses étaient traitées avec légèreté, sans s'appesantir, et c'était le ton qu'il convenait d'adopter.
Mais là où le film prend une tournure radicalement différente, c'est lors du passage où le protagoniste se fait agresser dans la rue par la bande de jeunes femmes qui iront jusqu'à le violer. Je n'ai plus du tout adhéré, et ce pour trois raisons.
Tout d'abord, cette violence exacerbée. Non, cela ne fait définitivement pas partie de la "journée ordinaire" d'une femme de se faire violer à chaque coin de rue juste sous prétexte qu'elle porte un "bermuda un peu trop court". Cette idée va, paradoxalement, à l'encontre du message féministe que revendique le film, et c'est tellement facile. Cela encourage la paranoïa actuelle, cette montée en puissance de la Peur, qui voudrait que les femmes appréhendent de mettre le nez dehors seule, d'autant plus lors qu'elles portent une tenue légère. Et enfin, je trouve que même dans son écriture, la scène n'est pas cohérente. J'imagine très mal une femme réagir par la défensive dans une situation où elle se trouve agressée par quatre hommes, seule, dans une ruelle déserte. Ça, ce serait peut être la réaction d'un homme interpellé par quatre femmes. Mais dans la vie, poussée par un sentiment de vulnérabilité et d'impuissance, je vois plutôt une femme faire profil bas et poursuivre sa route.
Concernant les passages exagérés dans la première partie, que j'évoquais un peu plus haut, il me revient celui de la voisine qui prétend ne pas s'adresser à la bonne personne en évoquant des problèmes au sein du voisinage, "remarquez, je vous dis ça à vous, mais c'est à votre femme que je devrais parler". Sérieusement, ce genre de situations arrivent-elles vraiment dans la vie ? De même lorsqu'un homme lui balance "perdez pas le sourire surtout !". Euh, mais ça m'est déjà arrivé ça, et je ne l'ai pas forcément mal pris, au contraire selon le ton ça m'a même agréablement sortie de mauvaises pensées que je ruminais dans la rue, alors suis-je trop naïve et esclave de la domination masculine ?! Mince...
En fait, "Majorité Opprimée" pourrait correspondre à la somme de tous les traumatismes accumulés par une femme au court de sa vie (et encore).
Je salue tout de même la volonté de la réalisatrice qui, je le comprend bien, voulait marquer les esprits et faire réagir sur ce qu'endurent parfois les femmes : en prenant les transports en commun, en se rendant au travail... Des problèmes banalisés mais certainement pas ordinaires. Sauf qu'en dramatisant le sujet à ce point, le film est qualifié de choquant et complètement rejeté, à la fois par les hommes et les femmes qui ne s'y reconnaissent qu'à moitié.
Alors j'admets volontiers que le harcèlement de rue est un vrai problème, et moi aussi j'aimerais m'épargner les insultes et autres situations gênantes à l'occasion, mais il m'est déjà arrivé aussi de recevoir des compliments, anodins, qui m'ont valu un "merci" et ne sont pas allés plus loin. Ce que je veux dire, c'est qu'il ne faut pas rentrer dans une paranoïa où toute interpellation dans la rue serait forcément une agression. Sans aller jusqu'à vivre au pays des bisounours et décrédibiliser le combat des féministes : il ne faut pas voir le mal partout. Je ne conçois pas le problème lorsqu'un homme demande à vous aider, à porter une poussette par exemple, pour reprendre le film.
Un peu de légèreté aurait été la bienvenue, et se serait montrée bien plus efficace dans la communication du message, j'en suis sûre.
http://www.youtube.com/watch?v=kpfaza-Mw4I