Jacques Rozier est un des réalisateurs de la nouvelle vague les moins connus mais aussi un des plus singuliers et des plus libres. Maine Océan, titre qui nous ramène à une époque où certaines grandes lignes de la SNCF avaient un nom, ici l’express Paris-Nantes-Saint Nazaire de 17h27, le « Maine Océan », est un film joyeux et foutraque où se rencontrent, du fait du hasard, deux contrôleurs de la SNCF (Bernard Menez, découvert par Rozier pour son premier film Du côté d’Orouët, et Luis Rego, tous deux excellents), un marin pêcheur grande gueule (Yves Afonso éblouissant avec son patois poitevin), une avocate, une danseuse brésilienne et un imprésario mexicain, le temps d’une parenthèse enchantée qui se terminera, pour les deux contrôleurs, par un retour sur terre (c’est le cas de le dire puisque, splendide métaphore, tous les autres s’envolent pour l’Amérique), doux amer. La grande liberté du film, dont témoignent les conditions de tournage, son caractère brouillon n’empêchent pas une mise en scène souvent très travaillée avec des plans séquences remarquables. Comme le disait Godard, « L’originalité de l’attitude (de Rozier) vient de ce qu’elle est celle d’un ethnologue, ou d’un sociologue ou, mieux encore, d’un reporter. Mais, en elle-même, cette originalité ne servirait à rien si tout le travail de Rozier en tant que sociologue ou reporter ne se doublait en même temps d’un travail de Rozier en tant qu’artiste ». Le film est disponible en DVD chez l’éditeur Potemkine et, pour les nancéiens, ce DVD se trouve à la médiathèque de la Manufacture.