Madre : Une mère échouée sur une plage

Après un générique épuré, Rodrigo Sorogoyen surprend son public en le confrontant à une scène de la vie ordinaire d’une femme (Marta Nieto- Elena) devant sortir avec des amis avant de basculer, de manière intense dans le drame, lors d’un plan séquence intelligemment mis en scène. Il présente son sujet, de manière simple et efficace. Ensuite, nous restons au plus près d’Elena pour suivre ses errements et son évolution psychologique face à un évènement traumatisant. Devenant un long-métrage, le cinéaste s’attache à brosser, à travers l’œil de sa caméra, le portrait d’une femme perdue, avec ses contradictions, en quête d’une réponse, réapprenant à vivre par le biais d’une rencontre inattendue.


Bien qu’abandonnant l’univers très masculin de la police (Que dios nos perdone) ou politique (El reino) ibérique et son acteur fétiche Antonio de la Torre, il reste fidèle aux univers abordés dans son œuvre filmographique en cherchant à comprendre comment l’être humain peut se perdre en cherchant une vérité, malgré ses défauts.


Difficile d’en dire plus sans trop dévoiler le film méritant d’être découvert pour son actrice, Marta Nieto, d’un naturel saisissant avec un jeu assez subtil dans le changement émotionnel de son personnage. En transposant la majorité de son intrigue sur une plage française, le réalisateur montre son amour pour les paysages de notre pays. De plus, il signe un film donnant un aperçu de la perception d’un étranger dans nos contrées, ayant une façon d’être pouvant déconcerter ou séduire les locaux.


Il prend le temps de suivre son personnage principal, la Madre, contrastant radicalement avec sa scène de présentation. J’ai été assez décontenancé par ce rythme imposé au film montrant jusqu’où une femme peut aller lorsqu’elle laisse ses émotions la dominer totalement pour faire le deuil d’un être cher. En fait, il oblige le spectateur à se concentrer plus sur ses émotions et ses ressentis que son intellect, pour essayer de comprendre les choix et la destinée d’Elena. Cela va être compliqué pour certains mais ce parti pris est en totale cohérence avec son sujet démontrant bien la différence entre un homme et une femme dans sa façon d’aborder ses traumatismes. La présence de sa scénariste attitrée Elisabeth Peña a du beaucoup l'aider pour rester authentique dans le portrait d'Elena. C’est clairement un film que j’ai laissé décanter plusieurs jours dans mon esprit pour l’apprécier pleinement et saisir la subtilité de son propos sur une femme ayant tout perdu. Je vous invite à faire de même. Sur ce, bonne séance et lâcher prise !

Hawk
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le 16 août 2020

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