Une grande réussite et d'ores et déjà l'un des meilleurs films de l'année. Une mise en scène d'une intelligence folle qui permet de palier au manque de moyens de l'ensemble (on le sent mais sans que ce ne soit jamais gênant car Mouret déplace l'intérêt ailleurs par sa mise en scène). Deux acteurs extraordinaires, De France qui s'impose depuis le Dardenne comme une très grande est ici parfaite, et Baer touche au sublime : il donne une vivacité et une modernité au texte, tout en le respectant à la virgule. Il fait à la fois du Mouret, du Baer et du Diderot, il excelle à trois niveaux. Comme toujours Mouret parvient avec une élégance rare à dire des choses profondément noires avec une grande légèreté, ce qui est le signe distinctif des grands pessimistes, mais il le fait, alors que son matériau de base est classique, avec une grande modernité. Déjà parce que le film renvoie forcément au chef-d'oeuvre de Bresson, sans que jamais cette référence ne soit un poids pour le film, on peut même ne jamais y penser mais on sait que c'est là, par sa mise en scène aussi, comme déjà dit, faite de plans fixes et de magnifiques plans séquences dont l'apparente discrétion - Mouret n'est jamais dans l'épate - est le signe d'un grand, mais aussi et surtout par la fin du film, ce dernier acte rajouté par Mouret, absent chez Diderot, absent chez Bresson, qui annihile la position de victime de Mademoiselle de Joncquières, qui la rend victorieuse, et cette décision féministe et si joyeuse est, surtout vu le contexte actuel, un geste d'une modernité exemplaire.