Le timing de sortie de Made in France, deux mois seulement après les événements du 13 novembre et un an presque jour pour jour après ceux du 7 janvier, est une belle preuve d’humour noir et confirme l’adage qui voudrait que parfois, la réalité dépasse la fiction.
De là à qualifier le film de visionnaire, il n’y a qu’un pas que le film de Nicolas Boukhrief, lesté de lourdeurs scénaristiques et entiché de l’éternel complexe français sur le thriller américain, ne permet pas de franchir. (Boukhrief accusant lors d’une interview le système de financement du cinéma hexagonal, coupable selon lui d’un manque de soutient envers les productions sortant de l’éternel carcan grosses comédies populaires/ film bobo psychologisant)


On peut ou pas être d’accord avec lui sur ce point, toujours est-il que cela n’excuse pas tout… Une bonne histoire bien racontée est une bonne histoire bien racontée, quelque soit l’argent que l’on a à sa disposition. Malheureusement, celle de Made in France est plombée par un scénario bien trop appuyé à certains moments, ce qui empêche toute poésie ou envolée lyrique et pourrait même faire penser à un film propagande étant donné le sujet délicat dont il traite.
Les personnages sont assez caricaturaux, pas aidé par un casting très inégal… Certains d’entre eux en font des tonnes, à l’image du personnage de chef de clan psychopathe campé par Dimitri Storoge, tellement dénué de profondeur qu’il en devient véritablement angoissant (était-ce voulu?). Les acteurs ont pourtant l’air véritablement investi dans le film et on voudrait pouvoir y croire si les dialogues n’étaient pas aussi sur-écrits, comme piochés dans un dictionnaire des meilleurs répliques de thrillers.
La tension montant petit à petit au début avec la peur du petit groupe d’apprentis djihadiste de se faire repérer et la paranoïa ambiante qui en découle est plutôt bien réussie. Dommage que la fin abandonne tout cela au profit d’un film d’action bas de gamme, plus intéressé par ses pirouettes scénaristiques et la réussite de la copie de plans de Heat (Michael Mann – 1995) pour ne prendre que cet exemple.
Le film n’est alors plus qu’une succession d’exercices de styles et d’événements tous plus inintéressants les uns que les autres… Incapable de maintenir la tension.
Tout ceci amène à la pire des fins possibles, en voix-off, lorsque le personnage principal (Malik Zidi), de retour sain et sauf dans son petit cocon familial moyen qu’il aime tant, nous explique que la foi c’est fait pour être gentil et pas méchant ! Merci la morale bien-pensante/enfoncement de portes ouvertes…


Dommage ! Le timing parfait du film avec l’actualité aurait pu donner lieu à un véritable film anxiogène en complète adéquation avec le climat que l’on vit aujourd’hui. Un thriller efficace qui dit quelque chose de notre réalité.
Au lieu de ça, Nicolas Boukhrief arrive avec de très belles intentions, un sujet assez peu connu et dont on ose pas trop traiter de front aujourd’hui, doté de vraies références cinématographiques, la capacité d’installer une tension pendant la première partie d’un film qui aurait finalement pu se regarder le dimanche soir après David Pujada sur un écran de télé.. Ah mais oui ! C’est déjà le cas…

Moltès
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le 30 janv. 2016

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