"Je suis en transe" - "Oui, c'est le cas de le dire..."

Je l'ai vu au ciné lors de sa sortie. Qu'en attendais-je à ce moment-là ? Impossible de me rappeler. J'étais - et je suis toujours - fan des Inconnus, j'estimais Bourdon comme un bon réalisateur mais je pense que l'intrigue et la bande annonce étaient de bons indicateurs pour sonner l'hallali de la forte déception a venir. Tout ce dont je me rappelle, c'est d'en être - effectivement - sorti déçu. Je ne l'avais pas revu depuis quinze ans donc et, le voyant trainer sur my canal, j'ai voulu lui redonner une chance. Malheureusement, le film fut conforme à mon souvenir.


Didier Bourdon n'est pas qu'un excellent acteur, c'est également un cinéaste émérite. Il a un sens visuel au service de sa vis comica mais aussi et surtout de sa sensibilité. Il sait par ses choix de focale, souvent courtes, ses cadrages stylisés et par l'évolution dans l'espace de ses personnages transfigurer leurs états d'âme et leur place dans une société qu'il aime tourner en dérision en plaçant des blagues caricaturales en arrière-plan. Bourdon aime jouer avec les différents niveaux de lecture pour en créer des gags ou des répliques qui font mouche, il excella d'ailleurs dans ce domaine avec son très réussi 7 ans de mariage.


Malheureusement, Mme Irma - son film suivant - ne boxe pas dans la même catégorie. Pourtant, tous les ingrédients précédemment cités sont mis en oeuvre par Bourdon mais sans plus aucune puissance comique. Toutes ses tentatives sentent le réchauffé, les effets comiques ne prennent pas car ils ne sont pas au niveau. Le fait, de surcroît, que l'on reconnaisse les effets comiques qu'il emploie depuis Les Inconnus ou ses films avec Bernard Campan et qu'ils ne soient pas aussi efficaces entérine sensiblement l'amer déception que j'ai ressenti.


Pourtant, ça commençait bien. Le générique de début est jubilatoire, où l'on nous présente les dépenses mensuelles et annuelles du héros. Bourdon joue avec les décomptes fluctuants qui apparaissent à l'écran, le logo d'Audi remplace les zéros sur ce que lui coûte sa voiture etc... Cela rappelle - sur le principe - le clip qu'il a réalisé de sa propre chanson : On ne peut plus rien dire, quand il jouait notamment avec les flous censeurs qu'il envoyait balader dans les plans. Quelques bonnes idées visuelles surnagent cependant, comme lorsque Bourdon met en parallèle le globe qui tient comme logo de son entreprise avec la boule de cristal de son nouveau job. Mais, c'est tout ce que j'ai relevé.


Le principe de Mme Irma aurait tout à fait pu être celui d'une comédie italienne mordante des années 60 ou 70. Mais le scénario peine à décoller, il ne décolle jamais vraiment d'ailleurs. Il n'y a pas de réelle critique sur le monde du travail, sur l'escroquerie de la voyance, sur l'individualisme, sur les rapports homme/femme, père/fils. Tout est esquissé mais jamais approfondi, contrairement aux précédents films de Bourdon. Cela fait donc penser à un scénario de téléfilm estampillé TF1 typique des années 2000 : une bonne idée de départ mais qui ne plonge jamais dans la transgression ou dans un développement iconoclaste. C'est une comédie gentillette qui avait pourtant tant à offrir.


C'est difficilement compréhensible de voir Bourdon s'être fourvoyé dans cette direction. D'autant plus que son film suivant, Bambou, ira encore plus loin dans la fadeur des situations et cette manière d'édulcorer de son propos, une direction totalement opposée de ce qui a pourtant fait la force de son humour et qui l'a assit sur le trône des meilleurs du rire. C'est d'autant plus frustrant qu'on le voit passer à côté de belles opportunités pour étoffer son scénario, qu'il prenne des directions intéressantes, comme lorsque le personnage de Bourdon devine le prénom de la femme de l'un de ses clients ou quand il voit dans son café qu'il ne doit pas accepter le poste qu'on lui offre. Le principe du faux médium rattrapé par un vrai don qu'il découvre rappelle celui incarné par Woopi Goldberg dans Ghost (Jerry Zucker, 1990). Malheureusement, ce ne sera qu'esquissé au profit de... pas grand chose.


Pas grand chose à retenir d'ailleurs, malheureusement, même les scénettes coupées de visite chez Mme Irma durant le générique de fin peinent à me faire sourire. Le clou du spectacle, c'est Mme Irma qui ne sait pas quoi répondre devant sa boule et se met alors à appuyer dessus comme un buzzer en lançant "Stéphanie de Monaco !". Ce dernier gag méta - à mon sens râté - est symptomatique du film : Bourdon ne parvient pas à retrouver l'étincelle de la grande époque des Inconnus ou de 7 ans de mariage et nous offre du réchauffé très faible. C'est dommage.


Ce qui est cependant à retenir, ce sont les comédiens. Depuis Les Trois Frères, on retrouve la même pléiade d'acteurs, ce qui donne une cohésion à l'ensemble de sa filmographie et me ravit personnellement car on sent que les rôles, même les plus infimes, sont taillés sur mesure pour eux. Mention spéciale à Jacques Herlin , qui apparaissait déjà dans le cinéma de Bourdon via 7 ans de mariage et qui se montre ici impérial de sensibilité avec une vis comica bien loin de tout cabotinage. Quant aux autres acteurs, notamment Claire Nadeau, je regrette que Bourdon ne leur ait pas donné plu à jouer. Nadeau, par exemple, est une actrice formidable, bien trop sous-exploitée dans le cinéma français (malgré son rôle récurrent de Mamie Suze dans Les Tuche) et j'aurai voulu bien plus profiter de sa vis comica si particulière comme elle était si bien exploitée dans 7 ans de mariage.


Cette fois-ci, après avoir partagé un duo avec Campan, c'est avec Légitimus que Bourdon s'acoquine. Évidemment que le duo fonctionne, on sent l'alchimie entre eux et les revoir ensemble m'a ravit mais il n'y a aucune étincelle car le scénario est bien trop plat. Il faut dire aussi que ce n'est pas un film de duo, contrairement au Pari par exemple. On est plutôt sur la même ligne que celle du numéro de duettistes que Bourdon composait avec Campan dans L'Extra Terrestre (qui, d'ailleurs, bien que râté, avait le mérite d'aller loin et d'assumer totalement son propos). Légitimus joue donc plutôt un second rôle important. D'ailleurs, si son rôle eût été plus développé, peut-être que le film se serait plus aventuré dans des situations plus cocasses, serait allé dans la subversion et la dénonciation. Là aussi en ressort, à mon sens, un goût fortement prononcé d'acte manqué.










ThibaultDecoster
5

Créée

le 22 déc. 2022

Modifiée

le 22 déc. 2022

Critique lue 11 fois

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