Ma vie en rose par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Hanna et Pierre Fabre emménagent avec leurs quatre enfants et notamment leur fils Ludovic âgé de sept ans dans un charmant lotissement résidentiel de la région parisienne. Les nouveaux arrivants tentent de lier connaissance avec leurs voisins mais alors que la famille est bien intégrée par l'entourage, un évènement va bouleverser ces relations. Ludovic a décidé d'être une fille et lors d'une réception c'est justement en fille qu'il va se déguiser avec la ferme intention d'épouser Jérôme le fils d'Albert, un collègue de travail de son père. Tout évolue dans le comportement du petit Ludovic qui se laisse pousser les cheveux, regarde des feuilletons pour fille à la télévision et va jusqu'à improviser un mariage avec Jérôme. Lisette, la mère de celui-ci, encore marquée par le décès de sa fille le prend au tragique et cette affaire rejaillit au sein de l'école que fréquentent les deux enfants. Le scandale va éclater lors d'un spectacle scolaire alors que Ludovic interprète le personnage de Blanche-Neige. Les parents d'élèves sont outrés et parviennent à faire exclure l'enfant de l'école. La répercussion est vive pour Hanna et Pierre qui se déchirent entre eux d'autant plus que celui-ci, licencié de son entreprise, est victime de la vindicte populaire. Cet évènement précipite le départ de la famille sur Clermont-Ferrand où elle va tenter de se reconstruire...


Ludovic, un petit garçon de sept ans, est-il le Diable, un pestiféré? Certainement pour les braves résidents d'un quartier plutôt bourgeois. Que cet enfant se prenne pour une fille et se déguise comme telle en public, cela dépasse l'entendement ! Mais dans quel pays sommes-nous pour qu'un fait aussi bénin puisse susciter une telle tension? Tout simplement en France, dans le département de l'Essonne et à la fin du XXe siècle. Ludovic ne pense pas à mal, juste à son bonheur et à son bien-être. Certes, il est un peu différent des autres puisqu'il se sent mieux dans la peau d'une fille, mais le montrer, quel sacrilège ! Bien entendu les parents sont mis en quarantaine, eux qui ont infiltré cet intrus au sein de leur quartier résidentiel "où il n'y a jamais eu de problèmes". La hargne et la haine des parents d'élèves sévissent jusque dans le groupe scolaire du quartier. Gare à celui qui approchera Ludovic: il ira en Enfer ! L'enfant, ce "garçon-fille" comme le surnomme le Directeur, est exclu de l'école sous la pression des parents d'élèves. Hanna et Pierre sont désemparés par cette situation et de plus culpabilisés par une psychologue. Le couple va mal, très mal. Ludovic également car la bêtise humaine n'en a pas fini avec cette famille puisque Pierre est licencié par son patron sous la pression de son ancien copain Albert, père de Jérôme. Face à ce triste bilan, il ne reste que la fuite et c'est ainsi que la famille va quitter tout ce petit monde bien conformiste, bien rigide, un monde englué dans des idées et des préjugés qui sont encore soutenus par de hauts dignitaires et suivis par des brebis galeuses. Hanna et Pierre vont se faire une raison de l'état de Ludovic car c'est leur enfant, un enfant que l'on se doit d'aimer tel qu'il est...


Ce fut très courageux pour Alain Berliner d'aborder un sujet aussi délicat pour sa première réalisation et on peut constater que la réussite est étonnante. Afin de décrire la situation de cet enfant incompris par ses parents, rejeté par l'école et indirectement responsable de l'isolement des siens du reste du voisinage, le réalisateur n'a à aucun moment utilisé le mode mélo. Bien au contraire voici l'oeuvre d'un battant, d'un militant qui décrit une partie de cette société qui ne reconnaît pas les différences en se protégeant derrière la morale, celle qui donne le droit de juger le bien et le mal sans discernement. L'attitude de ces gens qui se veulent et se disent "irréprochables" rappelle les pires ravages qu'a pu provoquer l'intolérance source du sexisme et du racisme entre autres. De cette oeuvre traitée avec beaucoup de subtilité et de sensibilité, il faut remarquer la très belle prestation de Georges du Fresne dans le rôle du petit Ludovic. Il est attendrissant et très convaincant dans ce rôle d'enfant par qui le malheur arrive. Les parents interprétés par Michèle Laroque et Jean-Philippe Ecoffey se montrent d'un grand naturel et très persuasifs autant dans leurs rares phases de bonheur que dans leurs longs moments de désespoir et de révolte. Daniel Hanssens et Laurence Bibot nous font une excellente démonstration en décrivant avec réalisme les parents de Jérôme, l'ancien copain de Ludovic. A noter également l'interprétation très subtile d'Hélène Vincent , une maman très choquée et virulente contre la famille Fabre.


Ce film fut présenté dans de nombreux festivals et il est permis d'affirmer qu'il se montre très efficace au niveau de la discrimination faite à des personnes que l'on se doit de comprendre et d'apprécier à leur juste valeur. Cela passe bien sûr par l'égalité de leurs droits et une réprobation totale contre l'attitude néfaste des religions et des classes conservatrices du monde entier qui entretiennent des tabous qui minent une partie de nos sociétés.

Grard-Rocher
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le 28 avr. 2013

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