Lucy
4.7
Lucy

Film de Luc Besson (2014)

L'ivresse est un bien léger fardeau des fois. Ce sera ma belle excuse pour la critique qui va suivre.

Faisons un peu comme si j'étais Kenshin le temps de quelques paragraphes.
Besson et moi, ce n'est pas vraiment une histoire d'amour. Ni de haine d'ailleurs, juste d'indifférence. Je vois le 5e élément assez tardivement, je trouve ça cool et je le trouve toujours cool. Je vois vite fait Léon en VF sur une quelconque chaîne et par intermittence, je trouve ça cool sur le moment aussi (ah, Gary Oldman !). Et puis c'est tout. Le grand bleu ? Bof, ça a l'air chiant. Les vieux films ? La flemme de les chercher / regarder. Les minimoys ? Laissez-moi rire. Angel-A ? Ah-ah-ah. Malavita ? Vous voulez ma mort ?

Et puis vint Lucy. Un ami qui me dit qu'il y fait de la figuration (il est une des silhouettes à la Sorbonne lors de la conf de Freeman au début). Une bande annonce qui fait plutôt envie. Des critiques mauvaises au-delà de toute espérance . Bref de quoi attiser ma curiosité au plus vif. (merci djaevel et télé 7 jours. Et je suis fier de vous réunir dans une seule et même phrase).

Me voilà dans le fin fond du Var, en vacances spirituelles pour rédiger un mémoire récalcitrant sur Ken Russell. Le film sort, en même temps que la Palme d'or 2014. Je me languis. Lyon est loin, les deux films risquent de ne plus y passer (en VO ?) à mon retour. L'heure est grave.

Heureusement, Michael (je crois) Grégorio est (presque) là. Mes parents ont deux places, un aller retour niçois sur la journée est organisé, je me prévois deux séances : d'abord le Ceylan (qui en effet est TRES TRES LENT), puis le Besson, avec un certain Hugo LRD, fan de LVT devant l'éternel, donc une personne de goût, que je me fais un plaisir d'avance de rencontrer et de malmener à la sauce nanar-Besson.

Le Ceylan est une torture à petit feu (beau, brillant, tout ce que vous voulez mais faudrait aussi lui dire que ses films sont incroyablement chiants, même Arlette Chabot est plus intéressante), je prends un café salvateur avec l'ami que j'ai réussi à convaincre de s'infliger ça et je repars sur le Besson, en présence d'un senscritiqueur donc.

Et là, c'est le drame. Ou plutôt, la comédie. Parce qu'honnêtement, et il en témoignera, j'ai rigolé du début à la fin. Littéralement. Faut dire que le mec est quand même très, très fort. Son film s'appelle Lucy, et le premier plan, believe it or not, est un plan de Lucy, l’australopithèque, qui boit pépère une gorgée d'eau quelque part en Afrique. Merde quoi, premier plan du film et je suis déjà hilare, faut le faire !

La suite est, objectivement et le plus sérieusement du monde, une bouse sans nom. Histoire à tenir debout et basée sur une légende urbaine, effets spéciaux intra-veineux-utérins-tout ce que vous voulez dignes d'une pub Actimel ou Colgate, seconds rôles en roue plus libre que Robert le pneu de Rubber, Freeman en mode Freeman, béances scénaristiques ahurissantes, faux raccords jusque dans la scène finale. Bref, un truc tellement magique que ma mâchoire est allée faire connaissance avec ses voisines de rangée tellement je riais non stop. Et je vous passe les punchlines de fou, telle cette magnifique "Time is the unit", équivalent du "42" d'un certain H2G2.

Bon, ça c'était pour le 4.

Maintenant, pourquoi autant, et pourquoi ce coeur qui vous nargue ? J'avoue, au début je songeais à un joli 1 assorti d'un organe à deux ventricules. Mais punaise, je ne peux pas me mentir à ce point. Le Ceylan est objectivement un bon film, brillant et tout, mais je me suis fait chier comme un rat mort, et lire pendant 3h15 des sous titres de deux lignes qui me parlent de philo, ça va 5 minutes et encore. Le Besson, aussi abyssalement nanardesque soit-il (et il l'est, oh boy), dure cent minutes et en paraît vingt. Au moment où ça s'est fini, on savait que c'était la fin vu que le scénario est une sorte de compte à rebours (tu pars de 10%, à 100% c'est fini). Mais ces inepties se sont enchaînées à un rythme tel que je n'ai pas vu le temps passer. C'est juste impossible de s'ennuyer. Evidemment que c'est complètement con, mais je ne peux pas croire que le mec ait fait ça au premier degré. Certaines séquences le sont, et ce sont les pires du film. Le reste est un film d'action - SF - comédie absolument délirant, mené tambour battant par une Scarlett totalement consciente de ce dans quoi elle met les pieds, mais auquel elle se donne entièrement. Elle joue l'idiote puis le robot-dieu-surfemme comme personne.

Et puis merde quoi, le film est un condensé de tout ce qui s'est fait de plus excitant au ciné depuis 5-10 ans, en version nanar, comme si Besson avait signé chez Asylum. Les plans cosmiques ou préhistoriques façon Malick de Tree of Life : check. La métaphore littérale ou le Requiem de Mozart en grande pompe façon LVT période Nymphomaniac ? Check. La musique électro qui plagie les Chromatics ou la violence sadique et les décors en moucharabieh façon Nicolas Winding Refn ? CHECK (et en plus, là où l'infâme Taken 2 d'Europacorp reprenait texto "Tick of the clock", ici on a une pâle copie du morceau...). Même Samsara y passe, Besson piochant directement une petite dizaine de plans tirés du documentaire expérimental de l'an dernier. A un tel degré de pompage ou de plagiat c'est limite de l'art. Le mec n'a aucune idée de mise en scène qui soit la sienne alors il calque tout ce qui en jette un peu. Par contre, côté scénario, il se fait plaisir.

Soit donc un faux raccord de dingue dans une des scènes finales, un flic qui propose gentiment d'aider Lucy alors qu'elle préfère tuer tout le monde sauf les méchants coréens, et puis j'en passe et des meilleures. Je retiendrai quand même ce moment savoureux ou je pensais qu'elle allait se transformer en dauphin et utiliser un sonar parce qu'elle avait atteint les 20%. Ou encore, peut-être la meilleure chose du film, cette incroyable scène dans un commissariat français type, où les mecs sont une bandes de baltringues beaufs en train de se toucher la nouille et de jouer avec un slinky (mais si, le ressort multicolore avec lequel Romy Schneider a de drôles d'occupations dans l'Enfer de Clouzot) entre autres conneries. Bref, c'était tellement énorme sur le coup ce niveau de je m'en foutisme absolu et de foutage de gueule que j'ai cru en mourir d'implosion de rire sur le coup.

Franchement, c'est nul de chez nul, mais après la migraine que m'a collé l'autre turc et la clim à fond de la première salle, ça a fait l'effet salvateur du gros actioner de SF à l'ancienne, pas subtil pour un sou (très, très loin de là, dinosaure improbable et effet miroir Lucy vs Lucy à la clé), bourré de scories impensables pour un film qui se veut (je pense) un minimum sérieux par moments, mais tellement drôle et attachant que je ne peux pas le détester.

Okay, c'est mauvais et ça vaut moins que le Ceylan d'un point de vue disons eschatologique (j'ai casé ce mot en étant totalement ivre donc tu vas liker cette critique derechef petit lecteur !), mais putain j'ai vraiment passé un bon moment. Extra-lucy(de), mais indéniablement kiffant. Et tant pis si j'en perds toute crédibi(débi)lité.


La critique de HugoLRD : http://www.senscritique.com/film/Lucy/critique/36903961

MàJ : https://www.youtube.com/watch?v=V7CjXzyA92s&index=1&list=UUcliHNE38fJ4n4gYYB0TCQw
Une bonne prolongation à la crise de rire de Lucy, la crise de rire de Durendal qui encense Lucy, larmes aux yeux et rêve de gosse à la clé. Film de l'année qu'il nous dit le monsieur. Regardez les dernières secondes où il pleure hors champ, c'est sublime.

Créée

le 8 août 2014

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Krokodebil

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