Jeu Tue Elles

Sur le papier Lucky avait un je ne sais quoi de plutôt intriguant , le film écrit par son interprète principale Brea Grant et réalisé par Natasha Kermani promettait de revisiter les schémas du slasher avec une pointe de l'esprit d'Un Jour sans Fin le tout avec un point de vue résolument féministe, engagée et militant.

Lucky nous raconte l'histoire de May une jeune femme qui systématiquement toutes les nuits subit les assauts d'un homme masqué qui tente de l'assassiner . Peu importe qu'elle le blesse ou qu'elle le tue ce mystérieux agresseur disparaît pour revenir encore et toujours suscitant une incrédulité de plus en plus grande de la part des enquêteurs et forces de l'ordre.

On sent bien en regardant Lucky que ce qui motive majoritairement le duo Grant/Kermani n'est pas de faire un pur film d'horreur flippant et sanglant mais bien de soigner l'aspect métaphorique et allégorique de leur récit. En ce sens le film est plutôt réussi tant il parvient à montrer la détresse psychologique dans laquelle une femme se retrouve lorsqu'elle est victime quotidiennement de harcèlement et de violences et que surtout elle ne trouve aucun moyen de se sortir de cette spirale avec un entourage souvent dubitatif et incrédule. Et la plus grande force de Lucky tient sans doute dans cette manière de montrer l'enfermement dans ce cercle vicieux d'une violence à laquelle la victime finirait presque par s'habituer faute de pouvoir totalement s'en débarrasser. Et paradoxe la scène la plus effrayante du film sera totalement dénué d'horreur puisqu'elle est pour moi celle durant laquelle une multitude de personnes s'affairent autour de cette femme victime, la pressant de questions, lui faisant des remarques et mettant en doute sa parole dans une sorte de chorale pressante qui ira jusqu'à pousser la chansonnette façon comédie musicale. Si je suis un peu plus dubitatif sur les généralités sur lesquelles débouche le scénario, il faut reconnaître que ce dernier est plutôt malin et qu'il touche de manière forte et détournée au sujet sensible et terrifiant des femmes victimes de violences conjugales ou autres.

Malheureusement j'aurai bien voulu que Lucky soit aussi un bon très film d'horreur ce qu'il n'est pas vraiment. Si je dois saluer l'excellente musique angoissante de Jeremy Zuckerman le reste me laisse franchement perplexe et ces attaques répétitives du tueur masqué ne sont angoissantes que pour ce qu'elles représentent symboliquement mais aucunement pour ce que l'on nous montre à l'écran. C'est peut être un choix de la réalisatrice de ne pas avoir souhaitée s'enfermer dans des schémas classique de cinéma horrifique typique du slasher ou du home invasion mais Lucky est à mon sens beaucoup trop sage, froid et mécanique dans son aspect plus basique de cinéma de genre.

Au final on ne va pas se plaindre de voir un film de genre avec du fond et une volonté de donner plus de sens que d'hémoglobine, mais le film de Natasha Kermani reste un film plutôt décevant pour les amateurs de cinéma de genre.