Luca
6.7
Luca

Long-métrage d'animation de Enrico Casarosa (2021)

Il fût une époque où l’on attendait le dernier Pixar avec une certaine excitation. D’abord pour la rareté de l’événement puis pour l’aspect technique du film (connaissant la maîtrise du studio en matière d’imagerie informatique) et enfin pour les qualités narratives et thématiques souvent agglomérées dans un gros bonbon à la poésie suave. Ces dernières années, le studio à la lampe enchaîne les productions et semble avoir des difficultés à se renouveler. Avec un rythme effréné de un film par an, parfois même deux, des suites ou des spin off de leurs franchises les plus glorieuses (Cars, Toy story, Nemo, Monster inc) arrivent plus facilement sur nos écrans. Quand malgré tout des petites merveilles arrivent à se démarquer, il faut bien admettre que la magie des origines ne fonctionne plus. Cette poésie initiale bâtie sur une certaine forme d’honnêteté artistique et de naïveté s’est transformée année après année en marque de fabrique calculée. De nos jours, cette poésie, cet « esprit » Pixar a tout de l’artifice et de la posture. Adieu la spontanéité et les maladresses émouvantes des débuts, place à l’industrialisation de l’émotion et la fabrique du sentiment. Luca est un poisson pané, produit formaté pour attirer les enfants dans cette forme ludique et pratique mais dont l’essence initiale est dénaturée par une utilisation exagérée d’artifices.


Introduction pompeuse et longuette, certes, mais le film Luca est à mon sens le parfait représentant de la génération actuelle des productions Pixar. Centrée autour d’un triangle de personnages enfants, l’histoire se déroule dans une Italie romantique fantasmée des années 50. On suit tout d’abord Luca, jeune triton berger et froussard. Sa rencontre avec l’exubérant Alberto va le mener à la surface et il va ainsi être amener à côtoyer les humains et participer à une compétition sportive locale dérivée du triathlon.


Luca, enfant inquiet et maladroit, découvre par accident le monde de la surface par le biais de Alberto. Une amitié naît alors avec un rêve commun : celui d’acquérir une Vespa, synonyme de voyages et de liberté. Le premier tiers du film s’articule autour de la construction de cette amitié, classique dans son évolution et sa narration mais plutôt plaisante à suivre. La limite est imposée par ces artifices pixariens évoqués précédemment, l’emploi de cette poésie de façade construite artificiellement en suivant un cahier des charges précis. Bon an, mal an, le spectacle suit son cours jusqu’à l’arrivée au village et la rencontre avec Giulia et l’antagoniste Ercole. Changement de structure et de relation où le duo intègre l’élément féminin du triangle.


Deuxième tiers du film jusqu’à la rupture déclenchée par la révélation de la véritable nature de Alberto et la trahison de Luca. Cette partie amorce la scission entre les deux copains, entre l’action et l’intellect, Alberto et Luca. Alors que le premier, plus instinctif, manuel et téméraire s’éloigne de Giulia par jalousie, Luca se rapproche de la jeune fille et son goût pour les sciences et le savoir en général. Au terme du film, alors qu’Alberto optera pour une vie d’action et de pêche, sa vision de la liberté, Luca optera pour un autre chemin, celui de l’école et du savoir. Deux trajectoires différentes pour une même destination : la liberté. La vision commune de la liberté en Vespa s’efface avec l’émancipation de Luca qui ne vivait que par procuration.


Troisième partie, l’équipe de Luca s’étant séparée, il participe seul à la course afin de se construire. Le segment le moins intéressant car le plus calibré et prévisible. Luca qui vainc sa peur (en sautant de la tour d’Alberto et en affrontant la descente à vélo et Ercole), en acceptant de dévoiler sa vraie nature de triton, Le père de Giulia qui se révèle un cœur tendre et indulgent, Ercole rejeté pour son comportement raciste primaire etc. Rien de bien nouveau et sans réelles surprise. Luca reste une fable efficace sur la tolérance et les différences mais reste destinée aux plus jeunes tant son écriture manque de nuances et de subtilités.


Bien évidement, lorsqu’on évoque Pixar, il faut parler technique et direction artistique. La encore, rien de particulièrement notable. Si l’ambiance générale demeure chaleureuse avec des couleurs chatoyantes, l’ensemble se pare d’un voile impersonnel voire générique. On sait pourtant le studio capable de bien mieux mais aussi de pire, il suffit de regarder Onward pour sans convaincre. Pour rester sur la direction artistique, les passages sous l’eau sont très commun et le design des tritons est peu inspiré à la limite du gênant. L’animation reste propre mais sans éclat, à l’image d’une mise en scène un peu terne qui ne laisse aucune place pour les envolées ou les frissons. Juste une phrase sur la musique anecdotique : la musique est anecdotique.


Pixar semble avoir atteint sa vitesse de croisière dans le formatage de ses œuvres. A l’image de Marvel, les films se suivent et se ressemblent sans jamais briller. Il serait plus que temps que le studio revoit sa politique de production s’il veut éviter à son public une noyade programmée.

Alyson_Jensen
5
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le 29 juin 2021

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Alyson Jensen

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