Je ne cherche absolument pas à construire dans cette critique un avis objectif de Love, mes notes et mon admiration pour le cinéma de Gaspar Noé rendent toute objectivité impossible et vaine. Par contre, ma critique s’adresse à tous ceux qui pourraient être tentés de renoncer à aller voir ce film à cause de la virulence avec laquelle « la critique » s’acharne à diaboliser « Love » et le cinéma de Gaspar en général.


Apparemment le film serait choquant, pornographique, vide, prétentieux, traumatisant, etc. Ah bon.


Pour moi Gaspar nous livre avec "Love" un film très personnel et intime sur sa vision de l’amour. L’amour passe évidemment par le sexe, donc oui on y voit des gens tout nus faire l’amour de façon très réaliste, des sexes en érection, une éjaculation etc. Le cinéma n’a pas attendu Gaspar Noé pour montrer des scènes de sexe et des pénis à l’écran il faut arrêter avec ça. Est ce que la place sans précédent du sujet du sexe faite à l’écran nous permet de catégoriser « Love » comme un vulgaire « porno » ? Certainement pas.


Les gens qui catégorisent "Love" comme tel n’ont certainement jamais vu de porno. Ce type de cinéma nous vend une vision du sexe totalement détachée de la réalité, basée sur la disponibilité sexuelle et la domination de la femme, la notion de performance, et crée certainement chez les plus jeunes, des repères et un imaginaire destructeurs pour eux et leurs relations futures.


Chez Noé, sont montrées des scènes de sexes, ou des scènes dénuées de tout caractère sexuel, qui s’inscrivent à chaque fois dans différentes étapes d’une relation amoureuse : la rencontre, les premières fois, la passion, l’amour, la tromperie, le déclin du couple, l’absence de l’être aimé, l’absence d’amour dans le couple et la détresse amoureuse. Donc non, ce n'est pas un porno.
La manie de Noé de déstructurer le fil chronologique de ses films donne ici énormément de relief au sujet de la détresse amoureuse, qui est à mon sens le sujet central de ce film plus que simplement « le sexe et l’amour ».


Chaque scène est esthétisée avec génie, (et cette magnifique 3D y est pour quelque chose) et nous plonge dans l’intimité d’un couple que l’on prend plaisir à découvrir tout au long du film. La simplicité du scénario ne le rend pas pour autant pauvre. On peut le voir simplement comme une histoire d’amour qui finit mal, un film qui tente de traiter le sujet de l’amour et du sexe, un guide sur ce qu’est l’intimité et les sentiments amoureux, un cours d'éducation sexuel un peu moins austère que ce qu'on nous enseigne au collège, ou encore comme une fiction documentaire sur la reproduction de la jeunesse humaine des années 2010 que l’on passera sur Arte dans 200 ou 300 ans. Rien de bien choquant à mon sens.


Ce qui a certainement pu en choquer plus d’un c’est la manière dont Noé frôle à peine certains « sujets sensibles » sans les traiter et surtout sans prendre partie, afin de placer son histoire dans un univers qui est clairement celui de la sexualité des années 2010, même si on ne s’y retrouve pas personnellement. Il nous montre ainsi de façon très simple l’existence d’individus dont on ne parle jamais comme les enfants non désirés, les transsexuels, les libertins, ou les junkies. La non plus rien de nouveau sous le soleil puisque Pasolini avait déjà cette même démarche bien avant Noé, et Dolan se rapproche de cette démarche également.


Pour ceux qui voient dans "Love" un film prétentieux j'imagine qu'ils font référence au rôle que Noé s'est attribué, à savoir le personnage le plus détestable, ridicule et pathétique du film ? Ou encore aux clins d’œil qu'il fait à ses précédents films comme le faisait avant lui Kubrick pour nous faire comprendre que ses films constituent une seule et même oeuvre? Ou encore au fait qu'il place son nom et son prénom dans une ou deux répliques pour faire référence à sa propre vie, et ainsi nous faire comprendre que "Love" est un film très personnel ? Là non plus, pas de quoi se scandaliser.


Pour conclure, j'espère vous avoir convaincu que Love n'a rien de scandaleux, qu'il mérite d'être vu et que tout ce que vous risquez c'est d'apprendre une ou deux positions acrobatiques. Donc allez voir Love en 3D !


Amoureusement,

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le 19 juil. 2015

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Stupeslip

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