J'ai découvert Love à seize ans, peu de temps après avoir entamé ma vie amoureuse et sexuelle. Je le revois aujourd'hui quatre ans plus tard, à vingt-et-un ans, quelques mois après ma première rupture.

Love est un de ces films dont je pensais avoir tout compris au premier visionnage tant il est simple, et que je redécouvre avec un nouveau regard maintenant que j'ai plus vécu. Avant, j'étais irrité par l'artificialité du dispositif. Je suis à présent touché par cette représentation idéalisée de la béatitude amoureuse. Je ne parviens pas à me dire que, quelques mois plus tôt, elle et moi étions allongés sur le lit, nus et euphoriques. Tout ça me paraît tellement abstrait. Je suis incapable de me souvenir de la lumière : étions-nous éclairés par la fenêtre, la lampe de chevet, ou la veilleuse dans le coin de ma chambre ? Tout est flottant comme dans un rêve, mais ça sonne vrai : les shootings érotiques, les jeux qui tournent lentement en relation sexuelle, les confessions au lit…

Les dialogues, qui brassent tous les lieux communs de l'amour "qui est beau mais qui fait mal", me frappent différemment aujourd'hui. Il n'y a rien de plus triste que de se rendre compte qu'on est un animal, qu'une bête relation sexuelle peut suffire à se réconcilier. Le sexe est le ciment d'un couple dysfonctionnel, une boussole qui pointe vers le Sud, qui nous enferme dans des relations déjà mortes depuis un moment. Je n'ai jamais vu un film aussi bien retranscrire l'animalité des relations sexuelles pleines de rancœur, matérialisée par le besoin de dominer l'autre ou de se sentir à son service.

Pour parler un peu de cinéma, je ne pourrais reprocher au film que ses stabilisations un peu foireuses et quelques faiblesses de jeu. Je n'aime d'habitude pas les films qui ont une utilisation aussi outrancière de la musique, mais ici, les différents morceaux font partie d'un seul et même flux dont le ton varie peu à peu. Le montage est d'une grande violence, ne marquant aucune différence entre présent et passé ou ellipses et flashbacks. Le film est un gigantesque collage mélancolique, et Gaspar Noé un tortionnaire qui sait placer quelle scène à quel endroit pour que ça fasse le plus mal. C'est la parfaite représentation de la façon dont on ressasse inutilement le passé lorsqu'on a trop le temps de penser.

Love est arrivé aux deux extrémités d'un gros chapitre de ma vie. Je l'ai vu une première fois seul devant mon écran mais en couple, puis célibataire avec mes colocs. Je n'ai pas senti de gêne entre nous, mais seulement la sensation d'avoir partagé quelque chose de fort tous ensemble. Rien que pour ça, ce second visionnage de Love est un des plus beaux moments que j'ai pu vivre cette année.

jpaix-LE-RETOUR
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le 2 nov. 2022

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