Los Hongos est un film d'un académisme pur. Il ne dépasse rien. Dans sa façon de faire, de mettre en scène, de dire, de filmer ses personnages, la vie, il n'y a aucune innovation. Voilà un film sans personnalité. Sans quoi que ce soit qui transporte, envole, dérange.
Un film à besoin de ça, de toutes ses choses. De l'envol. Beaucoup d'envol.
Il faut dire que je n'étais pas dans les meilleures dispositions pour aller voir ce film. J'ai attendu avec un mal de ventre abominable, la fin. Alors, mes problèmes de douleur ont probablement eu un réel impact sur la perception du film.


Alors voilà. Ayant lu une assez bonne critique dans Les Cahiers du cinéma, je suis allée voir Los Hongos, film Colombien, car je ne connais pratiquement rien du cinéma d'Amérique Latine. C'est donc en totale néophyte que je me suis aventurée dans les méandres de la salle obscure. Ça n'a pas marché, du tout du tout. Parfois, moi je dis, vaut mieux rester aux valeurs sûres.
Oui, c'est bien, c'est chouette, on découvre la vie Colombienne, l’ambiance Colombienne, l’atmosphère Colombienne, les couleurs Colombiennes, on écoute la langue espagnole et on comprend, et l'accent est trop chouette alors on est fière de nous. Mais à part ça, rien. A part ça, on écarquille grand les yeux, de dégoût, d'incompréhension, face à des images de portable à l'immonde qualité, des séquences de Skype où le quotidien est filmé, simple, basique, moche, morne, d'une laideur qui nous fait demander si la vie, en vrai, notre monde à nous, est réellement moche.
Alors oui. En voyant l'un de ses films qui mettent en scène le quotidien des jeunes et de la nouvelle technologie, je peux dire que le monde est réellement moche. Alors c'est triste. Très triste. Car le cinéma, sauf si c'est dans un certain but, n'est pas là pour donner au spectateur une mocheté du monde, surtout si ce n'est pas l'intention du réalisateur.
Le quotidien, le monde contemporain, la nouvelle technologie, tout ça est moche. Et le film nous le fait bien montrer, avec une intention qui n'est pas la bonne. Il nous déballe devant nos yeux tous les produits, marques etc, d'une technologie, d'une mondialisation, d'une américanisation du monde : le quotidien virtuel pâle, morne, des jeunes d'aujourd'hui. Skype, Facebook, Youtube s'étale devant nos yeux, comme pour montrer la vie moderne des uns et des autres : la grand-mère et son petit-fils qui communiquent par Skype, et avec ça l'effroyable qualité d'image d'une webcam qui sature. Et vas-y alors qu'on fourre des placements de produits à tout va. Car bien sûr, avec des marques, le film fait plus "réel". Mais qu'elle est cette insistance à vouloir encore et toujours faire que le cinéma se rapproche le plus de la réalité ? Jusqu'à ce que la vie et le cinéma ne forment plus qu'un, dans sa forme la plus brute ?
C'est actuellement et depuis longtemps ce que fait le cinéma français. Cet anéantissement de l'art. Cette mocheté dans la banalité du quotidien. Le cinéma populaire français, qui se veut social, de bonne conscience.
Il faut désacraliser tout ça. Faire du cinéma autre chose.
Le cinéma n'est-il pas un art ? Ne doit-il pas donner de la beauté, entièrement ?
L'art n'a-t-il pas pour but de faire chavirer le cœur, de provoquer de la beauté, de la beauté seulement ? LA beauté. Entière, simple, pure. Sans fards.
Voilà ce que doit-être le cinéma.
Pas un ramassis d'un quotidien banal, comme tout le monde. Pas la vision d'un monde morne, moche, vulgaire, qui casse tout des rêves. Celui d'Internet, Youtube etc. Los Hongos est parcouru d'images comme pour dire qu'on est fière de toute cette mondialisation. La Colombie aussi est un pays moderne, avec Internet, Facebook, Skype etc. La Colombie aussi se bat pour le féminisme. Nous ne sommes pas à part. Nous sommes un pays libre, aux couleurs flamboyantes, aux fresques sur tous les murs, aux tags qui rappellent combien la vie est belle aussi, mais alors seulement dans l'intention, et non dans la forme du film.
Voilà ce sentiment immense éprouvé au visionnement de Los Hongos. Le sentiment que c'est tout cela que le réalisateur à voulu dire. Car comme évoqué dans Les Cahiers du cinéma, voilà les mots de Oscar Ruiz Navia, le réalisateur :


"Les Colombiens ont un complexe d'infériorité. Nous ne croyons pas assez en nous. Pourtant, nous faisons partie du monde comme les autres. Les cinématographies iraniennes et roumaines sont apparues parce que les cinéastes ont su parler d'eux-mêmes sans penser aux autres, d'une manière libre, et c'est la seule manière par laquelle nous pourrons nous aussi parler du monde."


Désolé mon vieux mais ici c'est un peu raté.
Est-ce que c'est ça maintenant, le cinéma ? Montrer la laideur dans ce qu'elle a de plus brute, de plus pure ? Comme pour dire "vous voyez, la vie c'est ça, et le cinéma c'est fait pour montrer la vie donc allons-y, faisons des trucs moches !". C'est comme La loi du marché, ce film sur le monde du travail, infiniment naturaliste, que je n'ai pas vu, et que je ne verrais pas.
Car ce cinéma social, naturaliste, sans beauté, me laisse pantoise. Et pire que ça.


A côté de ça, Los Hongos ne rentre à aucun moment en profondeur. Les personnages sont dénués de toute psychologie, se tiennent seulement comme décor pour le désir du film : des marionnettes qui exécutent sagement ce qu'ils doivent faire.
Ainsi, les voix criardes des quelques personnages qui chantent à capella exacerbent, donnent envie de se boucher les oreilles. Toutes ses voix qui chantent faux et font exprès de chanter faux pour le désir du film, ont en peux plus.
Et le vieux père qui se lève, le visage rouge de chaleur, poilus de poil blanc, qui prend sa douche. Et cette lumière qui immondifie le vieux corps déjà immonde, cette voix criarde d'opéra qui se met à chanter comme la Castafiore.
Nous n'avons pas besoin de mocheté, d'en rajouter encore plus, de faire que ce soit réel. Non.
Et on se met à rêver d'un film d'une Colombie toute en couleur, avec sa joie, son bonheur dans tous les sens, sa musique qui pourrait valser et nous faire danser, avec des couleurs flamboyantes et une caméra qui chavire comme celle de Cassavetes. Mais alors ce ne serait pas ce film moche, qui affiche de part sa forme tout le contraire de ce qu'il dit : un message de liberté, dessiner, graffer sur les murs, faire des couleurs des rues une grande révolution.
Mais c'est raté.


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Lunette
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le 30 mai 2015

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