J'ai été bercé (trop près du mur sans doute) par le black metal durant mes jeunes années, musique dont l'extrémisme sonore continue de me fasciner et vers laquelle je reviens d'ailleurs de manière saisonnière chaque année.

Malgré cela, j'ai pas réussi à m'intéresser outre mesure à cette adaptation d'un bouquin culte sur les excès ahurissants -pour ne pas dire les crimes- commis au sein de la scène black metal norvégienne des années 90, et en particulier concernant le sulfureux Mayhem, groupe du genre à donner des cheveux blancs à tous les tenants jusqu'au boutistes de la séparation entre l'artiste et son oeuvre.

J'ai coutume de dire que pour être dans le black metal il faut être au choix: fou, nazi, meurtrier ou pyromane. Le problème c'est qu'avec Mayhem on cumule les 4. Pour faire vite, leur vocaliste fou s'est suicidé, puis leur leader Euronymous a été assassiné par leur bassiste nazi qui brulait des églises. Sujet en or n'est-ce pas.

Alors, mon ennui relatif, la faute à qui? Au sujet? Certainement pas. Si le black metal n'avait pas existé il aurait fallut l'inventer, lui et tout ce qu'il a impliqué, tel un rejeton cauchemardesque de l'état d'esprit sex drugs & rock'n'roll auquel on aurait accolé gazoline et chevrotine. Voyez plutôt: une cinquantaine d'églises incendiées en une paire d'années, les rumeurs insistantes autour du suicide du vocaliste de Mayhem (les autres membres du groupe ont-ils réellement mangé sa cervelle et fabriqué des colliers avec des morceaux de son crâne?), le meurtre du leader de Mayhem par leur bassiste, ainsi que le meurtre sauvage et gratuit d'un homosexuel par le batteur de Emperor, tout cela a bien eu lieu et ne relève pas du bête fantasme. Le réalisateur de ce film fut d'ailleurs un temps batteur de Bathory (bien avant de devenir clippeur de Madonna), autrement dit: il a la street-cred' pour se coller à ce sujet.

LoC prend le parti-pris de traiter tout ça avec un regard assez goguenard, typique d'une production Vice, qui, en termes de journalisme goguenard, est un peu le boss de fin. Voix-off grinçante omniprésente, désacralisation à tout va (Varg Vikernes a l'air d'un jeune puceau influençable, et Euronymous d'une wanabee-rockstar cynique à la tête d'une bande de blaireaux), longues scènes crues de meurtre/suicide/débauches en tous genres... Vous me voyez venir, ça se la joue un peu (beaucoup) Scorsese des Affranchis, sauf que ça n'en a pas l'audace de la mise en scène, ni le souffle romanesque, ni la capacité à nous attacher à la bande de crétins peu fréquentables dont on nous raconte l'histoire. Tandis que j'ai envie de prendre un verre avec Joe Pesci pour qu'il me fasse marrer, là j'ai pas spécialement envie de taper un kebab avec Euronymous et sa bande de freaks, qui ont juste l'air d'une bande de débiles. Attention, je ne dis pas qu'ils n'étaient pas débiles, c'était peut être le cas; je dis que là je ressens pas d'attachement émotionnel. Un comble vu que j'écoute leur came depuis, pfouh, plus de 10 ans.

Le film souffre aussi d'une certaine mesquinerie musicale. Si la bande-son contient certes force Venom, Sodom et autres Mercyful Fate pour poser un contexte, le film n'a pas obtenu les droits des principaux protagonistes, et a du se contenter de quelques maigres extraits en ce qui concerne la 2eme vague de black metal stricto-sensu.

C'est particulièrement visible dans les scènes de répétitions (hachées comme pas possible), de concert, et dans tout ce qui tourne autour de la conception du pourtant séminal De Mysteriis Dom Sathanas. Ce qui aurait du être le coeur du film (en tout cas, un peu plus que les histoires de cul de Euronymous) passe pour un album banal qui n'est que le prétexte pour montrer l'envenimement des relations entre Euronymous et Varg. L'étonnant Attila Csihar n'est même pas nommé et apparaît 10 secondes grand max. De la même manière, Varg passe pour un bête wanabee-Mayhem, alors qu'il y avait là un truc à creuser pour montrer la diversité du milieu. Euronymous peut bien se palucher tous les 2 plans sur le fait de faire du "true black metal", mais au final, qui est "true" entre le craspec de Mayhem, le côté atmosphérique de Burzum, le symphonique de Emperor, les tentations électroniques de Thorns?

Je dois accorder un point, c'est que LoC prend le contrepied de la plupart des biopics/documentaires musicaux qui vont gommer les faces sombres de leurs sujets et en faire une éloge unilatérale jusqu'au ridicule (je pense au biopic sur N.W.A qui passa sous silence le fait que Dr Dre cognait son ex, poussant cette dernière à publier une lettre ouverte pour lui foutre la honte et l'obliger à s'excuser pendant la promo du film). En effet, à l'instar d'un Cloclo, où le responsable du Lundi au Soleil apparaît pour ce qu'il est, à savoir un ephébophile et un psychorigide jaloux au point de séquestrer ses compagnes, pas question dans LoC d'essayer de zigzaguer dans le champ de mines qu'est le milieu du black metal. Bon, en même temps, quiconque chercherait à éluder tout ça ferait mieux de faire un biopic sur Mireille Mathieu tant il se condamnerait au ridicule, tel Gallimard qui réussit à préfacer un inédit de Céline sans mentionner une fois ce qu'a fait cet auteur pendant l'Occupation.

En somme, tout ça n'empêche pas Lords of Chaos d'être par moments drôle, divertissant et de se laisser regarder. Je l'imagine même tout à fait capable d'être captivant pour qui ne connaitrait rien à l'univers très particulier du black metal -à condition de pardonner au film ses foreshadowing particulièrement pachydermiques.

Mais pour ma part, c'est tout.

Biggus-Dickus
5
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le 5 janv. 2024

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Biggus Dickus

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