Le plus sulfureux dans ce film, c'est p't'être l'affiche

Adapter Lolita au cinéma est un challenge. Réussir à retranscrire à la fois la beauté de l'oeuvre, l'histoire sulfureuse de Lolita et Humbert Humbert sans verser dans le vulgaire ou le racoleur n'est pas à la portée du premier venu. Et Kubrick n'est pas le premier venu. Le problème vient plutôt de l'époque à laquelle il réalisa ce film et du poids de la censure sur ce dernier ne le rendant pas mauvais, mais assez fade en comparaison avec le roman.

D'un point de vue formel, c'est bien un Kubrick. Bonne mise en scène, esthétique léchée et un très bon casting tant j'ai trouvé les quatre acteurs principaux excellents. James Mason élégant et torturé en Humbert Humbert, une Lolita troublante incarnée par Sue Lyon, l'irritante et pathétique mère de la nymphette, Charlotte, alias Shelley Winters et enfin, Peter Sellers campe un Clare Quilty parfait. Le jeu de tous rend ce film très agréable à suivre et colle assez bien à l'idée que j'avais pu me faire des personnages en lisant Lolita.

Là où le bât blesse c'est donc dans ce côté aseptisé par rapport à l'oeuvre initiale, roman superbe, dérangeant et poétique. Non pas que les non-dits et ce que l'on ne "voit" pas dans le roman ne soient pas, parfois, les parties les plus gênantes et font aussi qu'il ne tombe jamais dans une vulgarité qui n'a pas sa place tant le propos du livre est déjà suffisamment sulfureux, mais dans le film c'est vraiment très / trop édulcoré. Et ce qui me dérange le plus, c'est que là où Nabokov nous racontait en partie le passé d'Humbert Humbert, apprenant au lecteur que ce n'est pas la première fois qu'il s'éprend d'une trop jeune-fille mais qu'au contraire cela est une habitude, dans le film tout cet aspect est tu, et bien que cela ne pardonne rien, on a donc l'impression que c'est la première fois qu'il commet ce genre d'acte, presque malgré lui, cela rendant le personnage et le fait que l'on ne puisse s'empêcher par moment de se mettre à sa place moins malsain, plus "acceptable" (but recherché également en vieillissant Lolita qui au début de sa liaison avec Humbert a 12 ans dans le livre, et ici une quinzaine d'années, Sue Lyon paraissant même un peu plus âgée que cela).

Je trouve assez dur de noter ce film qui sans être mauvais reste une adaptation en demi-teinte, respectant l'oeuvre originale mais en en occultant trop de passages. Avec une censure moindre, peut-être se serait-on retrouvés face à un film beau et choquant à la fois, fort et mettant mal à l'aise comme sait le faire le livre que je recommande vivement (malgré le sujet abordé, le premier qualificatif qui me vient à son sujet est "magnifique"), ce n'est hélas pas le cas.

Reste un bon moment de cinéma, mais une légère déception tout de même.
Pravda
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le 4 nov. 2013

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Pravda

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