Lisa et le Diable
6.2
Lisa et le Diable

Film de Mario Bava (1973)

Quel bonheur que de découvrir Lisa Et Le Diable en Blu-ray après l'avoir maintes fois visionné dans son édition DVD française toute pérave (je parle de celle distribuée par One Plus One). Et bien que le master proposé ici ne soit pas non plus rutilant, il pique néanmoins bien moins les yeux que celui qui était disponible en SD... Bref, 50 ans après sa réalisation, Lisa Et Le Diable reste l’œuvre la plus extraordinaire, la plus passionnante, mais aussi la plus personnelle de son auteur. Navigant constamment entre l'onirisme et le réalisme, Mario Bava nous prend littéralement par la main pour nous conduire au cœur d'un labyrinthe insensé où décrépitude, nécrophilie et folie se voient abordées dans un élan de poésie crépusculaire rendant tout autant hommage à Poe (pour l'atmosphère mortifère) qu'à Baudelaire (pour le spleen). Le tout saupoudré d'humour soigneusement disséminé avec tendresse et virtuosité.

Qu'importe le synopsis ici puisque Bava offre une interprétation totalement libre de son conte noir à chacun d'entre nous. Est-ce un simple rêve ?... Une histoire de fantômes ?... Une vision de la frontière tracée entre la vie et la mort ?... Un récit satanique ?... Lisa Et Le Diable est tout cela à la fois, mais aussi tout son contraire. Car c'est avant tout un poème cinématographique animé par un casting complètement anarchique qui s'adjoint pour le meilleur et guidé par un scénario merveilleusement empreint de romantisme illuminé et de fantasmagorie morbide. Un poème dédié à la vie et à la mort, en somme.

Une œuvre nettement en avance sur son temps puisqu'elle se verra incomprise au moment de sa post-production et ne trouvera aucun distributeur. Elle restera ainsi sagement rangée dans un placard jusqu'au jour où son producteur, Alfredo Leone, décide de la dévaster en la caviardant de plusieurs scènes nullissimes d'exorcisme pour singer le climax de L'Exorciste qui vient de triompher au box-office. De ce fait, la version originale voulue par Bava devint invisible durant de longues années, tandis que sa nouvelle mouture intitulée La Maison De L'Exorcisme permit à Leone d'entrer enfin dans ses frais.

La même année, le cinéaste ibérique Jesús Franco connut les même déboires avec son film le plus personnel titré La Nuit Des Étoiles Filantes. Caviardé de stupides inserts à deux reprises (dont l'ultime fois par Jean Rollin), l’œuvre fut distribuée sous l'intitulé Une Vierge Chez Les Morts-Vivants en lui retirant, là encore, sa sève tout autant onirique que poétique. Bava / Franco, même combat ?... En tant qu'artistes littéralement incompris au débuts des années 1970, il y a de grande chance que oui. Visionnaire et plus que talentueux, Bava n'aura pas la chance de s'exprimer, cinématographiquement parlant, tel qu'il l'aurait souhaité durant les seventies. Il enchaînera les films de commande jusqu'à sa mort, en avril 1980, émasculé de son génie créatif. Lisa Et Le Diable reste ainsi son dernier chef-d’œuvre. Un chef-d’œuvre gothique que tout cinéphile se doit de visionner au moins une fois dans sa vie.

candygirl_
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le 26 oct. 2023

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