« Lincoln » est un des événements cinématographiques de ce début d’année deux mille treize. Son sujet, son réalisateur et son interprète principal sont les principales raisons qui ont mis ce film dans la lumière depuis sa sortie trente janvier dernier. J’avais eu l’occasion d’en voir la bande annonce lors d’une sortie précédente au cinéma. J’avais été séduit par la photographie, l’apparente qualité de la reconstitution historique et par le personnage de Lincoln. J’avais compris que cet opus nous présentait une période précise de la vie du président américain : celle où il s’est battu pour faire admettre le treizième amendement de la Constitution américaine abolissant l’esclavage. Le spectateur avait donc rendez-vous avec l’Histoire lorsque les lumières de la salle commençaient à se tamiser…
L’histoire se déroule dans la seconde partie du dix-neuvième siècle. Les Etats-Unis sont en pleine guerre de Sécession. Lincoln vient de se faire réélire à la présidence américaine. Il voit dans l’abolition de l’esclavage la manière efficace de conclure ce conflit qui ensanglante son pays. Mais, ce vote n’est pas acquis. Comme dans toutes élections, ce sont les indécis qui vont faire la décision. Et comme parfois, on incite fortement à voir les indécis choisir le bon camp…
La narration se construit entièrement autour du personnage principal. Une fois sorti de la salle, j’ai rapidement compris les raisons pour lesquelles Daniel Day-Lewis a obtenu un Oscar pour son rôle. Le scénario lui offre un théâtre d’expression d’une rare ampleur. Il s’en sort brillamment et donne à Lincoln une vraie identité. Son intelligence, son sens de la négociation ou son talent politique font de lui une personnalité hors du commun. A contrario, il possède un côté obscur, moins traité, qui s’avère intéressant. J’ai pris plaisir à suivre les pas de cet homme qui était en train de marquer l’Histoire. La place pris par ce héros a une conséquence apparemment inéluctable qu’est la faible place laissée aux autres protagonistes. Les seconds rôles sont en retrait du début à la fin. Ils participent au réalisme de l’aspect historique de la réalisation. Mais leurs personnages sont travaillés très superficiellement. C’est dommage car certains m’ont intrigué et cela a fait donc naître une frustration. Son fils, sa femme ou le député incarné par Tommy Lee Jones auraient gagné, à mes yeux, à être davantage approfondis. C’est un choix scénaristique qui se défend mais que je regrette.
Cette optique narrative donne un ton universitaire à la narration. L’histoire nous est contée d’une manière assez professorale. Spielberg préfère nous conter les évènements en exposant les différentes étapes vers le dénouement de manière chronologique et rigoureuse. J’étais donc curieux de connaitre le cheminement vers un tel vote. Certaines anecdotes sont surprenantes. Néanmoins, le ton employé fait que je suis resté assez insensible à l’avancée des choses. Le spectre émotionnel est peu sollicité. A l’exception de l’adoption finale, je suis demeuré spectateur. J’ai eu du mal à me sentir immergé dans l’univers politique qui m’était décrit sur l’écran. En faisant exister davantage les autres protagonistes, Spielberg aurait rendu son film plus humain en laissant davantage de place aux failles de chacun, à leurs relations. Il a fait un autre choix qui se respecte. Le film dure deux heures quarante. Il était peut-être impossible d’apposer à cette rigueur historique une plus grande dimension sensible.
Ce type de film n’est pas jugé uniquement sur sa rigueur de la narration historique. Le spectateur vient également y vivre un voyage dans le temps et dans l’espace. Le travail sur les décors et les costumes est de qualité. Je ne suis pas historien et n’ai donc pas regardant sur le moindre détail reconstitué. Par contre, je peux affirmer que j’ai réellement eu l’impression d’être plongé dans l’Amérique du dix-neuvième siècle. Chaque pièce, chaque costume, chaque coiffure ou chaque réplique participe à cette immersion. Cela fait partie de la précision que j’apprécie particulièrement dans le cinéma US et que je trouve si peu souvent chez les français. Le souci du détail fait que rien n’est bâclé. Ce n’est pas inutile parce que le travail de réalisation fait qu’on n’a aucun mal à accepter l’histoire tant elle apparaît réaliste.
En conclusion, « Lincoln » est un film sérieux que je qualifierai d’académique. J’y ai trouvé les qualités et les défauts du genre. J’ai pris du plaisir à suivre les aventures du président mais n’ai jamais eu le sentiment d’être transporté et touché. Je pense donc que cet opus ravira les adeptes de reconstitution historique. Sur ce plan-là, il s’agit d’un excellent cru. Par contre, pour ressentir des émotions, ce n’est pas forcément le choix à faire. Tout est donc une question de goût…
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