Les limbes : le séjour des âmes des justes avant la Rédemption, selon la théologie catholique. Ici, les âmes sont celles des émigrants, réfugiés politiques ou économiques, parfois les deux à la fois, et la rédemption prend la forme de l'obtention d'un permis de séjour. Attention, elle n'est pas automatique et, en cas de refus des autorités, un refus peut conduire à un aller simple vers l'enfer. Quant au paradis, même lorsque sa porte se déverrouille, ce n'est pas encore gagné pour la félicité éternelle.

Toujours est-il que le propos de ce film est de montrer, de façon souvent allégorique, le passage des candidats au droit d'asile par ces limbes, dans l'attente de l'attente de l'examen de leurs dossiers par l'administration d'un quelconque ministère de l'immigration ou de l'identité nationale. Ne nous y trompons pas, le cadre est situé en Grande-Bretagne, mais l'histoire pourrait se dérouler dans n'importe quel pays dit développé. Mais rien de tel qu'un île écossaise isolée et battue par les vents pour évoquer l'antichambre de l'enfer, pour ce qui de l'ambiance visuelle, du climat et du paysage.

Le choix scénaristique de Limbo est de se placer du point de vue des émigrants : ainsi, les rares relations sociales qu'ils peuvent avoir avec les habitants locaux sont dépeintes comme empreintes d'un curieux mélange d'incompréhension, parfois de bienveillance et plus souvent d'absurdité. Ce qui donne des scènes cocasses qui vont déclencher chez le spectateur un sourire empreint d'amertume plutôt que le fou rire. Mais le tour de force du film est bien de nous faire voir notre monde avec les yeux d'un émigrant et ce d'une manière plus onirique que réaliste. Émigrant dont le déracinement est également montré, symbolisé par le refus d'Omar de toucher à son oud, qu'il trimballe pourtant tout le temps avec lui comme l'unique reliquat de son identité. Pas un film choc sur l'enfer des centres de rétention, donc, mais le propos n'en n'est pas moins efficace. Bien plus, en tout cas, que celui d'une comédie gentillette, telle que "La brigade", vue récemment par votre serviteur.

Ce parti pris entraine naturellement certains choix de réalisation : des décors et des plans travaillés dans leurs moindres détails afin qu'ils dégagent l'impression recherchée et des dialogues minimalistes. Bref, un côté - voire un travers - esthétisant qui peut s'avérer irritant pour le spectateur, d'autant que la première heure du film est excessivement lente : elle illustre à cet égard parfaitement l'ennui et monotonie de l'attente impuissante de l'acceptation du droit d'asile ou de la descente des flics qui viendront cueillir ceux qui n'obtiennent pas le sésame pour les renvoyer dans leur pays d'origine. Ça pourrait ainsi être très chiant, mais ce qui sauve le film, c'est sa dernière demi-heure, durant laquelle certaines situations vont de dénouer dans un enchainement d'événements qui finissent par susciter l'émotion du spectateur. Bien joué, car le pari n'était pas gagné d'avance.

Marcus31
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le 12 mai 2022

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