Lèvres de sang
5.7
Lèvres de sang

Film de Jean Rollin (1975)

Lèvres de sang est souvent considéré comme l'un des meilleurs films de Jean Rollin. Dernier volet seventies de sa chère thématique vampirique, avant un avenir alimentairement pornographique et d'autres horizons bisseux aux fortunes diverses, l'homme y synthétise, dans ce qu'il considéra à juste titre comme l'une de ses œuvres préférées, ses diverses aspirations et obsessions, dont un éternel goût pour les demoiselles aux dents longues en robes diaphanes et couleur pastel.


Lors d'une réception mondaine pour la promotion d'un nouveau parfum, Frédéric (Jean-Loup Philippe) aperçoit la photographie d'un château en ruine. Tel un électrochoc, celle-ci lui évoque un passé qu'il croyait à jamais oublié : un épisode de son enfance et en particulier sa rencontre vingt ans plus tôt avec la jeune et mystérieuse Jennifer (Annie Belle). Obsédé par ce souvenir, et contre l'avis de sa mère protectrice (Nathalie Perrey), Frédéric est décidé à retrouver la trace de ce château et de son occupante. D'abord réticente, la photographe ayant pris ce cliché lui donne rendez-vous à minuit à l'Aquarium de Paris, lui promettant de retrouver entre temps dans ses dossiers l'adresse de ces ruines. En attendant l'heure dite, Frédéric erre dans les rues sombres de la Capitale. Entrant dans un cinéma, il y distingue près de la sortie de secours l'image de celle qui hante ses esprits, l'invitant à la suivre...


Co-écrit avec l’interprète principal du film, Jean-Loup Philippe, Lèvres de sang se distingue des précédents essais de son auteur par son onirisme nostalgique, s'éloignant de la sorte du surréalisme maladroit de ses premiers métrages. Centré principalement sur les thèmes de la mémoire et de l'enfance perdue, le film se situe à la frontière du songe et de l'errance, avec comme fil conducteur et image envoûtante, la charmante Annie Belle. Au cours de ses déambulations nocturnes, sous la protection des deux sœurs jumelles vampires libérées involontairement par ses soins, et jouées par Catherine et Marie-Pierre Castel, Frédéric croisera durant cette nuit divers individus louches aux intentions des plus funestes.


Avec les moyens qui lui suit sont octroyés, c'est à dire forcément modestes, le réalisateur de Fascination surprend. Loin de la vision désincarnée des grands ensembles et immeubles de La nuit des traqués qu'il mit en scène à l'orée des années 1980, Rollin s'acclimate de l'environnement urbain parisien pour tisser un climat surréel inspiré (en particulier la scène des fontaines). Et contrairement aux griefs usuels à propos des acteurs Rolliniens, le film doit énormément à la prestation de son acteur principal (qu'on retrouvera bien des années plus tard dans le film testament de Jean Rollin La nuit des horloges). Mais que ses habitués se rassurent, Lèvres de sang incorpore nombres de références et lieux communs nous rappelant que nous sommes bien dans un de ses films : cimetière, jolies filles, action indolente et scènes étirées, château en ruine.


Photographié par un chef opérateur débutant au talent prometteur, créateur d'atmosphères inquiétantes, le film souffre néanmoins d'une dernière partie moins probante, en dépit de la présence de la ravissante Annie Belle, la cause sans doute à un dénouement sinon prévisible du moins réalisé avec les clichés traditionnels du genre. Enfin un détail qui ravira les plus déviants : le long métrage fut remonté peu de temps après sous le titre explicite Suce moi vampire en y incorporant plusieurs scènes pornographique, ce qui tendrait à expliquer ou tolérer les moments de flottement érotique qui émaillent ces Lèvres.


Film d'une rare beauté par moment, à l'image de sa scène finale sur une plage de galets, étrange et émouvante.


A recommander pour celui ou celle qui voudrait découvrir cet attachant réalisateur.


http://www.therockyhorrorcriticshow.com/2013/10/levres-de-sang-jean-rollin-1974.html

Claire-Magenta
7
Écrit par

Créée

le 25 oct. 2013

Critique lue 916 fois

3 j'aime

Claire Magenta

Écrit par

Critique lue 916 fois

3

D'autres avis sur Lèvres de sang

Lèvres de sang
toothless
6

Machination diabolique

Ainsi continue notre voyage à travers le cinéma de Jean Rollin, auteur s'il en est. Après un échec commercial cuisant ("La rose de fer"), il tourne "Les démoniaques", épopée aux portes du nanar sur...

le 15 juil. 2015

4 j'aime

Lèvres de sang
estonius
5

Vieilles pierres et tenues vaporeuses

J'ai toujours eu un faible pour Jean Rollin, ce sont des choses qui ne s'expliquent pas. Cela dit essayons d'être objectif. Les dialogues sont ringards (Si les films de Jean Rollin marchent mieux à...

le 26 déc. 2018

3 j'aime

Lèvres de sang
daniellebelge
5

Les vampires ne portent pas de culotte

Lèvres de sang est un film onirique qui dégage par moment une certaine poésie, malheureusement gâchée par d'inutiles scènes érotiques glauques et des scènes d'action maladroites et ridicules...

le 17 févr. 2016

3 j'aime

Du même critique

Low
Claire-Magenta
10

En direct de RCA

— Si nous sommes réunis aujourd’hui messieurs, c’est pour répondre à une question, non moins cruciale, tout du moins déterminante quant à la crédibilité de notre établissement: comment va -t-on...

le 7 mai 2014

20 j'aime

8

Sextant
Claire-Magenta
9

Critique de Sextant par Claire Magenta

La règle générale voudrait qu'un artiste nouvellement signé sur un label, une major qui plus est, n'enregistre pas en guise de premier disque contractuel son album le plus expérimental. C'est...

le 28 juil. 2014

18 j'aime

Y aura t-il de la neige à Noël ?
Claire-Magenta
8

Critique de Y aura t-il de la neige à Noël ? par Claire Magenta

Prix Louis Delluc 1996, le premier film de Sandrine Veysset, Y'aura t'il de la neige à Noël ?, fit figure d'OFNI lors de sa sortie en décembre de la même année. Produit par Humbert Balsan, ce long...

le 19 déc. 2015

16 j'aime

1