"Farce" de Gilles Grangier qu'il a tiré avec l'aide de Michel Audiard du réjouissant roman de René Fallet paru quelques années auparavant. "Farce" parce que c'est comme ça que Gilles Grangier intitule le film au générique…
En fait, c'est le road movie picaresque de trois retraités survivants de la Grande Guerre dont ils ne cessent de s'inventer un parcours héroïque. Trois retraités insolents, truculents qui ont toujours à redire sur la qualité du travail effectué par les jeunes. Au bistrot, on n'entend plus qu'eux car ils emmerdent tout le monde …
Si vous allez aussi vite que je vous emmerde, vous serez en avance sur l'horaire dit l'un d'eux au chauffeur du car, éberlué et fataliste.
Entre eux, c'est l'amitié à fond mais chacun veut avoir raison sur l'autre surtout quand il s'agit de la guerre que l'un d'eux a faite aux Dardanelles et les autres dans les tranchées.
T'oserais insulter ceux qui ont péri sous les obus. Pendant qu'd'autres faisaient danser les moukères ? Fi’ d'garce !
"Vous n'allez pas comparer vos bains de boue à mes turqueries"
Mais face aux autres, c'est la solidarité active ; il faut montrer aux jeunes qu'on a eu été …
Ça, c'est vrai, en 1924, je l'ai vu soulever une cuisinière, pas une bonne femme, une cuisinière en fonte
Ils en ont marre de ne plus pouvoir se faire respecter par les plus jeunes et quand l'un d'eux a un super tuyau sur l'hospice de Gouillette, tout le monde décide de quitter tous ces p'tits cons.
Mais arrivés à l'hospice, tenu par des sœurs en cornette, où, parait-il, on doit se la couler douce, se faire servir, bien bouffer et surtout, avoir du vin à discrétion à tous les repas, c'est la désillusion, c'est la déconfiture.
Mais, j'croyais, d'après mon ami Malvoisin, qu'on avait droit au pinard.
Un litre par semaine, c'est de l'abus d'confiance, de l'obscurantisme : vive la laïcité !
Nos trois vieux sont interprétés par Jean Gabin, Pierre Fresnay et Noël-Noël
Tous trois cabotinent quand même beaucoup en particulier Jean Gabin. Ils se sont affublés d'un bon accent de terroir assez convaincant pour Gabin et Noël-Noël ; Pierre Fresnay a un peu plus de mal. Mais c'est un peu normal car il est retraité de la SNCF et était fonctionnaire donc censé avoir un peu plus d'instruction tandis que les deux autres étaient réparateur de vélo pour l'un et éleveur de cochons pour l'autre.
Aidés par les dialogues d'Audiard, il y a quelques moments plutôt hilarants rendant le film finalement assez plaisant
Par curiosité, je suis allé voir les âges de ces olibrius en 1960. Noël-Noël et Fresnay avaient 63 ans, Gabin 56…
Et c'est moi qui me trouve brusquement plus vieux à côté d'eux trois. Ah, ben merde alors !