Du couple formé par Martha et Ray, on retiendra un désir, une passion dévorante, affamée, une impossibilité de s’aimer dans la légalité. Il faudra attendre la prison pour que cet amour puisse enfin se concentrer sur son objet. Martha finit par s’en rendre compte : pour posséder l’amour de Ray, il faudra ou le partager indéfiniment ou l’enfermer entre les barreaux. Cet amour commence et se termine par des lettres échangées entre les deux amants. Lorsque Ray et Martha se rencontrent au terme d’ une relation épistolaire, une étrange liaison se noue entre eux.
Martha, qui nous apparaît d’abord austère, dans son uniforme d’infirmière, peu encline à s’émouvoir face à la tendresse ou au désir d’autrui (que ce soit celle de sa mère ou celui de deux jeunes infirmiers qu’elle surprend en flagrant délit d’amour passionné), tombe aussitôt sous le charme de Ray, rencontré via les petites annonces auxquelles l’a inscrite une voisine indiscrète. Martha se dévoue tout entière à cet homme qu’elle aime passionnément et douloureusement. Enchaînant les conquêtes qu’il dépouille ensuite de leur argent, Ray s’avère moins carnassier que Martha. Martha superbement excessive (lorsqu’elle feint une tentative de suicide), jalouse et possessive (la caméra dessine une triangulaire où Martha est à la fois observatrice, manipulatrice et organisatrice de sabotages lorsque les histoires de Ray lui deviennent insupportables). Suivant Ray de ville en ville comme de conquête en conquête, elle donne d’abord l’impression d’en être complètement dépendante: elle manque de se noyer en apercevant Ray sur le point de faire l’amour avec une autre femme. Mais en réalité, c’est d’elle dont Ray a besoin pour se débarrasser de femmes encombrantes à qui il promet le mariage. Ce mariage, il le fait miroiter aussi devant Martha dont il semble pourtant s’éprendre pour une raison qui restera passée sous silence. Le montage et les mouvements de caméra dessinent la triangulaire infernale formée par les deux amants se présentant comme frère et soeur et la victime, ignorant tout de ce qui se joue derrière son dos. Le spectateur partage la complicité de Ray et Martha : il se trouve dans la pièce d’à côté avec Martha qui écoute Ray faire son numéro de séducteur pour manipuler ses victimes, il est confronté aux gros plans sur les yeux et la bouche de Ray suggérant par là le pouvoir d’attraction qu’il exerce sur les femmes qu’il séduit. Les mouvements de caméra sont complices des amants puisqu’ils en attrapent les gestes furtifs, les regards de connivence, les points d’écoute et les entrevues fugaces. On pourrait dire que Ray est le corps agissant, puisqu’il décide de la prochaine destination et, de fait, de la prochaine victime et Martha, elle, le corps réagissant. Martha réagit aux intentions de Ray. Elle prend la relève, c’est elle qui partage la chambre avec la future victime, elle qui lui enlève la vie, elle qui devient sa confidente et qui s’interpose lorsque le jeu va trop loin. Car tout n’est que jeu pour Ray et celui-ci s’horrifie en voyant jusqu’où Martha est prête à le suivre, à quel point son amour est sans borne, sans triche. Martha, elle, ne joue pas et c’est avec sang-froid qu’elle assassine les femmes auxquelles Ray a promis le mariage.

Ga_bri_elle
7
Écrit par

Créée

le 5 mars 2021

Critique lue 72 fois

2 j'aime

Ga_bri_elle

Écrit par

Critique lue 72 fois

2

D'autres avis sur Les Tueurs de la lune de miel

Les Tueurs de la lune de miel
constancepillerault
8

Critique de Les Tueurs de la lune de miel par constancepillerault

Une histoire basée sur un fait-divers (fin des années 40 ou début des années 50) qui inspirera (de façon plus ou moins fidèle) au moins deux autres films : Carmin profond (Arturo Ripstein, 1996) et...

le 25 mars 2022

7 j'aime

3

Les Tueurs de la lune de miel
Pom_Pom_Galli
9

Critique de Les Tueurs de la lune de miel par Pom_Pom_Galli

"Les tueurs de la lune de miel", c'est un peu les bonnie & clyde des agences matrimoniales. Ray est une sorte de gigolo pour ménagère et Martha, sa maîtresse est aussi grosse que jalouse. Ensemble...

le 16 janv. 2014

7 j'aime

1

Les Tueurs de la lune de miel
Alligator
6

Critique de Les Tueurs de la lune de miel par Alligator

Petit film d'aspect rabougri, fait de bric et de broc qui progressivement s'avère plus grand, plus fourni en éléments de belle envergure. Seule la portée et son histoire me laissent un peu de marbre...

le 2 déc. 2012

6 j'aime

Du même critique

L'Homme à la valise
Ga_bri_elle
6

Fragment de temps

Étrange petit film de Chantal Akerman. Durant une heure, il ne se passe, pour ainsi dire, rien, ou si peu de chose. La présence gênante de l’autre permet au film de trouver son rythme, découpé en...

le 24 mars 2021

4 j'aime

À tout prendre
Ga_bri_elle
7

Joli poème

Le film de Jutra est étonnant. À la limite de l’expérimental, on retrouve certaines idées du cinéma-vérité (utilisation du zoom pour aller chercher les acteurs dans le plan, cadre instable par...

le 4 mars 2021

3 j'aime

Les Tueurs de la lune de miel
Ga_bri_elle
7

Du désir

Du couple formé par Martha et Ray, on retiendra un désir, une passion dévorante, affamée, une impossibilité de s’aimer dans la légalité. Il faudra attendre la prison pour que cet amour puisse enfin...

le 5 mars 2021

2 j'aime