Les Temps qui changent, on ne manque pas de les présenter comme le nouveau Depardieu-Deneuve, un duo éparpillé dans le temps qui permet de jolis clins d’œil quand il est ainsi ravivé, telle la vieille photo de couple qui devient un élément de l’intrigue alors qu’elle est, bien sûr, une vraie photo des acteurs ensemble.


Il est donc normal que les deux célébrités s’y retrouvent & qu’on nous joue le tour du changement de décor : Tanger est vue du côté français aisé, gentiment post-colonial, où l’on peut faire la navette depuis la capitale française – chose normale pour tout le monde, même ceux qui n’en ont pas les moyens, pour qui c’est ”juste” un graal de l’existence.


Ce saprophytisme arabo-français ne sera hélas pas élevé plus haut que les interactions nécessaires du casting avec son environnement. En fait, beaucoup de fausses pistes encombrent le déroulé avant qu’on puisse déterminer celles qui y était vraiment nécessaire. Verdict : pas tant que ça.


Il faut un moment pour que le film cesse de prétendre toucher à tout & se concentre enfin sur l’essentiel, d’ailleurs excellemment amené par des dialogues souvent sans failles. La délocalisation ne porte donc pas ses fruits avant longtemps, celui de se dire que pas mal d’états d’âme, la condition ouvrière & même certains personnages sont là juste pour la forme.


On aura voulu que les protagonistes aient une histoire autonome, une sorte de bulle malavisée dans un contexte réel effleuré du bout d’un bâton comme une chose morte. En d’autres termes, il faut que les sens spectatoriaux percent cette gangue de superflu, voire d’artificiel, pour permettre l’envolée de la romance frustrée que Téchiné entendait faire. Ensuite, Depardieu & Deneuve (qui apparaissent étonnamment jeunes sous le soleil très jaune de l’été marocain), leur mésentente, leur familiarité, la hargne, le ressentiment qui les habite, tout cela prend racine.


Lui joue comme il n’a jamais joué, elle reste dans sa zone de confort mais sans déparer, & finalement la multi-histoire sentimentale se sépare de son étage explicatif pour fournir le meilleur, dans ce registre, que les deux géants semblent avoir attendu toute leur vie pour offrir – ou 30 ans d’absence.


Quantième Art

EowynCwper
5
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le 9 janv. 2020

Critique lue 231 fois

Eowyn Cwper

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